Humeur

Et si les « vieux » apprenaient aux « jeunes » ?

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Photo de Nicole Ortis et Pascale Corbin-Kurtz
(Crédit : Nicole Ortis Consultants)

Échange vécu lors d’une formation :

« Je n’ai pas de projet de service, moi. Je pars à la retraite dans 6 mois !
-  Est-ce à dire que toutes vos astuces pour gagner du temps partent aux oubliettes ?
-  Oh ben non alors ! J’espère bien qu’ils continueront à les utiliser.
-  Cependant les connaissent-ils ?
-  Euh… non… ».

Selon les projections de l’Insee, 18,6 % de la population active auront, en 2030, 55 ans et plus [1]. Avec leurs décennies d’expérience, ces salariés possèdent des savoirs et savoir-faire qui constituent un véritable patrimoine intellectuel pour l’entreprise. Ils ont aussi suivi des formations dans lesquelles l’entreprise a investi.

Envisager un départ en retraite uniquement sous l’angle d’une économie de salaire réalisée grâce à la nouvelle personne recrutée, serait perdre l’apport des futurs retraités et celui de l’entreprise. La perte de certains savoir-faire spécifiques peut mettre en danger l’organisation et la pérennité de la structure. Les personnes plus jeunes arrivant sur les postes auront à réinventer, perdront de fait en efficacité et génèreront un surcoût. Pour éviter cela, il convient d’anticiper en repérant les compétences stratégiques afin qu’elles soient transférées à d’autres.

Or les économistes Nathalie Greenan et Pierre-Jean Messea, dans la publication « Cereq Echanges » de juillet 2020 [2] constatent que le savoir accumulé par des salariés en seconde partie de carrière est moins transmis aux autres générations de salariés. Ainsi, seuls 50 % chez les cadres se sont retrouvés souvent en situation d’apprendre à leurs collègues. Le taux diminue encore chez les ETAM (employés, techniciens, agents de maîtrise) et les ouvriers avec moins de 30%. Cela suppose une absence de vision du potentiel susceptible d’être perdu. En effet, outre l’accélération de l’apprentissage, la transmission intergénérationnelle est un outil d’intégration et de fidélisation des jeunes recrues, de valorisation des compétences de la personne en fin de carrière et, pour certains métiers physiques, de prévention des accidents du travail grâce à l’acquisition des astuces développées par les seniors.

Cet état des lieux révèle le risque pris par un grand nombre d’entreprises et particulièrement les TPE et PME. Certes, l’investissement immédiat que représente une telle transmission, est lourd. Mais les conséquences de la perte ne le sont-elles pas plus ? L’alternative d’une transmission efficace pour conserver son avantage concurrentiel reste, encore ici, d’apprendre à apprendre…