Humeur

« Je ne suis pas d’extrême droite »

Lecture 4 min
Frédéric Chevalier (Crédit : DR)

Jeudi 27 juin, sur France 2, lors du dernier débat avant le premier tour des législatives anticipées, le candidat du Rassemblement National, Jordan Bardella, a lâché, alors qu’il était invectivé par le premier ministre Gabriel Attal sur la régression des droits des femmes opérée par les différents mouvements d’extrême droite en Europe : « Je ne suis pas d’extrême droite Monsieur Attal, et mon parti non plus ». « Wesh, nan mais sérieux ! », sommes-nous tentés de répondre pour reprendre un gimmick de langage très présent sur Tik-Tok, réseau social dont abuse le bon petit soldat de Marine Le Pen pour capter la frange la plus jeune de son électorat.

Une jeunesse captive et sous le charme, comme un cerf face aux phares d’une voiture, d’un costume de gendre idéal savamment taillé de tissus de dédiabolisation. Ainsi, sous l’habit de l’agneau, le loup gris se tient toujours en embuscade, je veux pour preuve ce même débat télévisuel évoqué en début de billet. Dette, baisse du pouvoir d’achat, violences faites aux femmes, agressions contre la communauté LGBTQ+, à chaque sujet une seule cause brandie en mantra par un Jordan Bardella tout en arrogance : les étrangers présents en surnombre sur notre territoire.

Depuis son arrivée à la tête du RN en 2011, Marine Le Pen a entrepris une vaste stratégie de dédiabolisation de son parti, à commencer par son changement de nom de Front National à Rassemblement National en 2018. Les figures du mouvement répètent d’ailleurs que le RN appartient à la droite républicaine et se présentent comme un parti souverainiste ou patriote. Ce qu’a contredit à plusieurs reprises le Conseil d’État, classant définitivement le parti dans le bloc d’extrême droite au vu de son programme riche en mesures aux relents xénophobes, racistes et antiparlementaires. En 2023, le RN a déposé un recours auprès de l’institution pour annuler ce classement. Une tentative déboutée le 11 mars dernier par la plus haute juridiction de l’ordre administratif.

Le jeu de dupe auquel se livre le RN atteint même des sommets d’indécence quand Jordan Bardella se pare de son armure de chevalier blanc pour défendre la communauté juive malmenée par les propos propalestiniens du camp mélenchoniste.

Celui qui est marié avec Nolwenn Olivier, nièce de Marine Le Pen, souffre-t-il d’amnésie crasse pour ne pas se rappeler que le FN fut fondé en 1972 par un groupuscule néofasciste et que Jean-Marie Le Pen a tenu à de nombreuses reprises des propos révisionnistes qualifiant notamment les chambres à gaz de « point de détail » de l’histoire de la Seconde Guerre mondiale ? Malgré une mise en scène aux ficelles évidentes, des masques qui se fissurent à mesure que Jordan “prend la confiance”, à l’heure où vous lirez ces lignes, le RN aura sans aucun doute réalisé un score historique au premier tour et ainsi, comme avant lui Hitler, il arrivera au pouvoir de la plus démocratique des manières, avec le consentement d’un peuple victime d’un bien étrange syndrome de Stockholm.