Une fois n’est pas coutume ce billet est un aller-simple pour l’Argentine. Ah l’Argentine ! Ses gauchos, ses steaks signés Mercosur, son tango, sa tradition hospitalière (y compris aux nazis en déroute. Mais je m’égare), ses grands-mères de la Place de Mai tournant inlassablement avec les portraits de leurs proches disparus pendant la dictature, son immense poète José Luis Borges et... son président démocratiquement élu depuis décembre 2023, Javier Milei.
Milei, libertarien revendiqué et ultra-libéral décomplexé, sorte de Trump qui aurait enfilé la perruque et les rouflaquettes d’Elvis dans ses dernières années, Milei qui a fait campagne avec une tronçonneuse pour tailler dans le vif le déficit car pour tromper le crédule, une image vaut mille mots, comme le formulait déjà Confusius.
Pour ce qui est de tailler, on a vu. Dès son arrivée, Milei a réduit les effectifs des ministères, licencié plusieurs dizaines de milliers de fonctionnaires, supprimé des lignes budgétaires entières de dépenses publiques en éducation, transports, santé... et dévalué de plus de 50 % le peso argentin face au dollar. Dans un premier temps, passé le choc d’absorption de l’inflation (25 % en décembre 2023, 11 % en mars) la cure a eu l’air de faire effet puisque l’Argentine a présenté à la fin du premier trimestre 2024 un excédent financier de 309 M$, une première depuis longtemps, le marché de l’immobilier a retrouvé des couleurs, certains prix commencent à se stabiliser... Mais sur le long terme, les économistes sont inquiets du devenir d’un pays qui compte déjà des millions de pauvres.
C’est particulièrement vrai dans les universités publiques où le gouvernement de Milei a décidé de maintenir, pour l’année universitaire 2024, le budget 2023 malgré une inflation de 288 % sur douze mois. Aux équipes de chercheurs, aux jeunes brillants mais sans revenus, incapables de poursuivre des études sans aides, à la R&D, l’ultra-libéralisme à tous crins de Milei met un brutal coup d’arrêt dont les répercussions à l’échelle du pays se liront très vite quand l’Argentine accusera un retard technologique tel qu’il la livrera sans défense aux intérêts étrangers. Il sera bien temps alors d’en faire un tango, cette « pensée triste qui se danse » comme l’écrivit le poète et parolier argentin Enrique Santos Discépolo.