Humeur

La vérité ? Si , je mens !

Lecture 4 min

La semaine dernière avaient lieu les hommages aux victimes des attentats de 2015 et parmi elles, la rédaction de Charlie Hebdo. Rappelez-vous. La larme à l’oeil, les élus de (presque) tous bords arboraient des mines de Carême et partout fleurissaient des pancartes proclamant Je suis Charlie. Les mêmes promettaient la main sur le coeur de défendre la liberté d’expression, la liberté de blasphème (qui n’est en aucun cas la licence de se moquer des croyants de toutes obédiences, mais celle de critiquer les religions, inscrite dans la loi de 1881 sur la liberté de la presse), la laïcité, le journalisme indépendant et tutti quanti. Et on y a cru, unis dans la même douleur. Évidemment, on l’a eu un peu mauvaise quand les mêmes salades nous ont été servies lors de l’assassinat de Samuel Paty (2020) puis de Dominique Bernard (2023). Et aujourd’hui, alors que 2025 débute, qu’en est-il ? Eh bien, ce n’est guère brillant. Les dessinateurs et rédacteurs de Charlie Hebdo doivent passer deux portes blindées pour pouvoir enfin souffler et faire leur journal et Riss, le directeur de la publication, fait partie des personnes les plus protégées du pays. Tout cela, rappelons-le, pour des DESSINS. Mais aussi, et surtout, pour garantir à la corporation des journalistes de pouvoir travailler. Et ces vies sous contraintes se déroulent dans l’indifférence à peu près totale des élus si prompts aux hommages... J’ai un respect immense pour cette troupe de trublions qui s’accrochent malgré les menaces. Et je m’interroge. Leur rendons-nous ce qu’ils nous donnent ? A-t-on pris conscience que l’existence d’une presse non muselée, dont les journalistes ne sont pas tenus en laisse par les puissances économiques, politiques ou agités par des passions mauvaises, est la seule preuve d’un pays véritablement libre ? Imaginons. Imaginons, mais point n’est besoin d’être très créatifs, un pays dont l’immense majorité de la population s’informerait (ou plutôt croirait s’informer) par le biais de réseaux sociaux dont les informations ne seraient pas vérifiées, recoupées, analysées par des journalistes. Des journalistes animés par une seule volonté : contrecarrer les opinions déguisées en vérité, les croyances, les appels à la haine ou les inepties masquées en certitudes. Animés par la seule volonté de voir se propager une seule chose : la vérité des faits. Ce pays existe, ce sont les États-Unis de Donald Trump, officiellement investi le 20 janvier. Dans ce pays-là, Mark Zuckerberg le dirigeant de Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp) renonce à l’armée de journalistes, dont ceux de l’Agence France Presse, chargés de vérifier les données circulant sur ses medias, pour dit-il, lutter contre la censure. Ce faisant, il fait allégeance non seulement à Donald Trump, l’ami des fake news, mais aussi à Elon Musk, futur poids-lourd de l’administration Trump et patron de X. Meta rejoint X dans le creuset des réseaux où n’importe quelle connerie platiste, appel à la haine de suprémacistes blancs, chiffres foireux de climatosceptiques peuvent librement s’exprimer, seul le nombre de signes étant imposé... Pour l’instant, seul (!) le territoire américain est concerné mais jusqu’à quand ? Ce jour-là, ce jour où en Europe, on cessera de faire confiance à une presse libre pour vérifier les informations et apporter aux peuples des faits irréfragables, alors ce jour-là il en sera fini de notre propre liberté. Ce jour-là on se souviendra que nous aussi, on a été Charlie...