Humeur

Liberté, Égalité, Maternité

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Emmanuelle de Jesus.

Dans son discours de politique générale... pardon, son allocution présidentielle de mardi 16 janvier soir (deux heures vingt, explications de texte aux journalistes accrédités comprises), Emmanuel Macron a évidemment parlé de relance économique, rappelé que le travail devait rapporter plus que le chômage, (re)dit son attachement à l’apprentissage de La Marseillaise (pour information, la loi Fillon qui rend son enseignement obligatoire à l’école primaire date de... 2005) et relancé l’idée de l’uniforme à l’école - expérimenté, en 2024, dans une centaine d’établissements scolaires volontaires et généralisé en 2026 si l’expérience est concluante. Et puis, on l’a vu plisser le front, révélant ainsi la profondeur de sa préoccupation car la France, mes chers compatriotes, souffre. Elle souffre, car on n’y fait pas assez d’enfants. Le Président entend donc procéder à un « réarmement démographique », qui passera d’une part par la lutte contre l’infertilité et d’autre part, par le réarrangement du congé parental, plus court mais mieux rémunéré.

Loin de moi l’idée de nier que la natalité, dans notre pays, s’étiole. Mais aller instrumentaliser le ventre des femmes pour « réarmer démographiquement » la France et transformer l’envie de fonder une famille en une injonction étatique à remplir des berçeaux, je ne sais pas vous, mais moi ça me rappelle des heures sombres, des formules du genre Travail-Famille-Patrie, des femmes réduites à leur rôle de procréatrices (bon pas trop quand même dans la formule 2024 : trois ans à pouponner, c’est fini, il faut « en même temps » qu’on parvienne au plein-emploi) et le roman La Servante Écarlate de Margaret Atwood, qui imagine un monde dystopique dans lequel des femmes sont forcées à procréer...

Monsieur le Président, faire des gosses, ce n’est pas faire la guerre. Un utérus, ce n’est pas une usine d’armement. Au lieu d’insulter la mémoire de celles qui se sont battues et de cracher sur le combat de celles qui se battent encore pour n’être pas ravalées au rang de reproductrices, allez plutôt poser la question à ces couples qui ne veulent pas être parents, dans un monde politiquement instable, économiquement incertain, et dont le futur écologique a toutes les couleurs de l’Apocalypse. Normalement, vous devriez trouver de quoi sérieusement vous réarmer en idées neuves, histoire de jeter (dans la poubelle jaune, celle du recyclable) le bocal plein de pensées rances dans lequel votre discours de mardi dernier a dû macérer, et qui, c’est fâcheux, a fait exulter le Rassemblement national, celui-là même que vous prétendez combattre.