En 2022, la Cour des comptes procédait à une première consultation citoyenne pour recueillir des propositions d’enquêtes visant à enrichir son programme de travail. À l’issue de près de 9.000 inscriptions et 333 contributions en ligne, six thèmes ont fait l’objet d’investigations en 2023. Thème du quatrième rapport ? La détection de la fraude fiscale des particuliers, signe, estime la Cour des comptes « de l’attachement des Français au civisme fiscal et au principe d’égalité devant l’impôt ». Un enjeu important, signalons-le au passage, puisqu’en 2022 pas moins de 14 milliards d’euros ont été recouvrés après contrôle, dont un peu plus du tiers chez des particuliers.
Si l’image du contrôleur fiscal a fait les beaux jours du théâtre de boulevard et du cinéma - ah, l’impayable Lucien Cheval, joué par Daniel Prévost dans Le Dîner de cons - , la réalité oblige à dire que l’administration fiscale contemporaine ressemble moins à un inspecteur chafouin et davantage à un expert de la data.
Depuis une dizaine d’années en effet, se félicite la Cour des comptes, « la numérisation de la quasi-totalité des processus fiscaux et l’augmentation du volume des données mises à la disposition de l’administration fiscale ont conduit celle-ci à développer de puissants outils de traitement automatique pour relever les incohérences et les anomalies déclaratives. Près du tiers des contrôles fiscaux repose désormais sur des analyses de risque nourries par le traitement de données en masse », autant dire des algorithmes et de l’IA.
Histoire de garder un peu de chafouinerie, précisons quand même que depuis 2016, des délateurs (dits « aviseurs fiscaux ») étrangers à l’administration fiscale (votre voisin/collègue/ex-beau-frère/ex tout court…) peuvent lui signaler leurs suspicions et, même, être récompensés en cas de fraude de grande ampleur révélée (dans la police on appelle ça des indics).
Mais revenons à la data : malgré ses efforts louables, et parce que plus d’intrusion dans les données personnelles = plus « de nouvelles dispositions protectrices des droits des contribuables, le Conseil constitutionnel ayant été amené à resserrer l’encadrement des pouvoirs de l’administration fiscale », semble regretter la Cour des comptes, on en revient à peu près au même point et « le croisement de données en masse peut être utilisé comme outil d’aide au contrôle mais ne peut en aucun cas conduire à caractériser automatiquement une fraude » constate un brin dépitée la Cour, forcée d’admettre que le saut technologique n’a pas permis le bond qualitatif espéré en termes de recouvrement de la fraude. Et chafouin pour chafouin, on préfèrera toujours Lucien Cheval à une IA…