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Loin de moi, vous commencez à me connaître, de vouloir patouiller la soupe populiste pour savoir si les relents qui s’en dégagent ressemblent plus à du « néo-conservatisme-faschisodécomplexé » ou plutôt à de « l’ultragauchisme-fanatico-libéré » mais quand même. Quand même. En Allemagne (attention, tous les mots de cette phrase sont importants et charrient leur lot mémoriel à moins d’être comme Dory, le chirurgien bleu amnésique du film Nemo), en Allemagne, donc, le parti d’extrême-droite (!) AFD, favori des élections législatives, nous a fignolé une affiche aux petits oignons. On y voit trois enfants (blondinets) en chapelet sur un canapé, entourés de la non moins blonde maman à droite et de papa à gauche (il est grisonnant, mais je parie un brushing qu’il n’a jamais fait de dreadlocks), chacun tendant un bras pour symboliser, c’est l’idée officielle, un toit au-dessus de la tête de leurs « kinders » (rien à voir, on l’aura compris, avec les barres de mauvais chocolat bourrées à l’huile de palme). Allemagne, bras tendus : vous me voyez venir et là croyez-moi, on est très loin du point Godwin.
En Allemagne, les références claires au nazisme sont interdites, comme le salut nazi et les slogans du même tonneau. L’AFD s’en fout comme de sa première chemise (dont je vous laisse imaginer la couleur) et flirte avec la ligne rouge sans le moindre complexe. Interdit d’utiliser la phrase « Tout pour l’Allemagne » (Alles für Deutschland), un des mots d’ordre nazi des années 1930 ? Il se trouve que la leader de l’AFD s’appelle Alice Weidel, patronyme parfait pour se choisir, en toute décontraction, un joli Alice für Deutschland comme slogan de campagne. Ça commence à faire beaucoup pour ressembler à une coïncidence et ça risque hélas de faire beaucoup dans les urnes, ce qui me laisse à penser qu’une partie des Allemands sont un peu comme Dory. Ah oui : Elon Musk a passé plus d’une heure à discuter sur X, sa plateforme du grand n’importe quoi, avec Alice Weidel, adoubant ainsi l’AFD comme seul parti capable de « sauver l’Allemagne ». Au cas où de rares naïfs se poseraient encore la question de savoir si, le soir de l’investiture de Trump, Musk faisait des saluts nazis ou si c’était la louable tentative d’un autiste envoyant des coeurs à la foule, un coup d’oeil à l’affiche répugnante de l’AFD impose une réponse éclatante. Et le pire ? Ces nazillons 2.0 séduisent un électorat qui se sent totalement protégé parce qu’il est blond, blanc et mange de la saucisse. C’est oublier un peu trop vite que lorsque la bête immonde revient, elle ne fait pas dans ce genre de dentelle. Et que l’amnésie, en histoire, peut tuer.
* J’ai piqué cet excellent titre à un article de la revue Grand Continent, éditée par le Groupe d’études géopolitique. Organisme indépendant, le Groupe d’études géopolitiques est un think tank, domicilié à l’École normale supérieure (UIlm, à Paris). Fondé en 2017, le GEG est reconnu d’intérêt général par le ministère français de l’Action et des Comptes publics en 2019.