La semaine dernière, Elon Musk a rebaptisé « X » le réseau social Twitter qu’il avait racheté en avril 2022 pour 43 milliards de dollars – une bagatelle au regard de sa fortune évaluée à presque 243 milliards de dollars – avant de licencier la moitié du personnel et de réduire le nombre de lectures pour les comptes gratuits non certifiés. Désormais, Twitter devenu X est voué à se transformer en un écosystème global, limite galactique, dont les contours ont été amorcés dans ce qu’il est convenu d’appeler désormais un « X » par Linda Yaccarino, la directrice générale. « X est l’avenir de l’interactivité illimitée – centrée sur l’audio, la vidéo, la messagerie, les paiements, les opérations bancaires – créant une place de marché mondiale pour les idées, les biens, les services et les opportunités. Propulsé par l’IA, X nous connectera tous d’une manière que nous commençons à peine à imaginer ». On a connu moins nébuleux, mais on comprend entre les lignes que X entend transformer l’intégralité des interactions entre ses utilisateurs via le réseau en transactions marchandes : une ambition louable après tout pour un patron, d’autant que X perd plutôt des plumes depuis plusieurs années. Nous verrons ce que cela donnera, alors que Musk doit compter avec le concurrent Threads (« fils ») lancé par Meta qui compterait à ce jour 150 millions d’utilisateurs.
En revanche, au-delà de l’obsession qu’a développée Elon Musk pour ce X depuis ses débuts entrepreneuriaux, on peut s’interroger sur la pertinence d’un tel choix : après tout, Twitter et ses déclinaisons (twetté, re-tweet…) avaient gagné leurs galons et étaient compris par tous les utilisateurs et commentateurs de la vie publique alors que ce X… ? bof. « Tu as lu le X de Machin ? » « Truc m’a re-Xé ». En fait, il y aurait une raison objective à ce reniement selon Jean Cattan, secrétaire général du Conseil national du numérique, s’exprimant chez nos confrères de franceinfo : il exprimerait une volonté de « se dissocier de l’image que véhicule le réseau, qui est devenu l’oiseau de malheur, le réseau de la polémique dans lequel le petit “cuicui“ peut faire frémir. » Jean Cattan ajoute « c’est aussi l’occasion de se dissocier d’une sorte de faillite économique à laquelle on associe cette entreprise aujourd’hui. » Certes, mais comme dit l’adage, « on ne fait pas d’un âne un cheval de course » et un changement de nom n’y fera rien : nés sous X ou sous Twitter, bon nombre d’utilisateurs du réseau social qui se targuent du nombre considérable des abonnés à leurs comptes et se réjouissent d’une stature virtuelle acquise à coup de messages peu ou pas modérés, véhiculant la bêtise ou la violence, le complotisme ou la haine pure et dure (en 280 caractères, difficile de faire dans la nuance et la réflexion…) ne seront pas moins bêtes, violents, complotistes ou haineux. Ils pourront juste être en plus vénaux et mercantiles, mais ils ont l’habitude : ils avaient déjà vendu leur dignité au compteur de followers.