
Jeudi 25 septembre, les agriculteurs militants de la FDSEA 21 et des JA 21 ouvraient le bal des manifestations qui se sont déployées sur le territoire national le lendemain. Leurs revendications sont connues (surtransposition par la France des normes imposées par la PAC, traité du Mercosur, baisse du revenu, épizooties préoccupantes) et parfaitement audibles, leurs moyens d’action connus aussi : convoi de tracteurs convergeant vers le centre-ville et fumier déversé devant l’objet de la grogne ou du moins son représentant local érigé en symbole, la Maison de l’Europe.
Une manifestation qualifiée de « sage » par le leader de la FDSEA21, Antoine Carré, qui a remercié les agriculteurs présents de ne pas avoir causé d’autres dégâts, « au contraire du chaos dans les manifestations d’ultra-gauche ». On aurait pu en rester là, sans deux interventions : celle de Marc Frot d’abord, vice-président aux questions agricoles du conseil départemental 21 tout content de pouvoir dire que la collectivité « contourne la loi » pour aider les agriculteurs même si cela n’entre pas dans son champ de compétences... avant de s’étonner de la sagesse des manifestants, semblant presque regretter qu’ils aient épargné l’hôtel de région.
Une prise de parole pour le moins problématique de la part d’un élu. D’autant plus problématique qu’elle venait après le discours d’Antoine Carré qui s’achevait par une mise en cause directe de nos confrères du Bien Public. La citation ci-dessous est un extrait que j’ai enregistré sur place : « On a encore trois bennes pleines (de fumier, Ndlr). On va être franc. On s’était posé la question d’aller voir nos amis du Bien Public : pas mal d’articles à charge, des publications de L214 partagées par le Bien Public. Clairement inadmissible. Au cours de l’année, on a fait le point, il y a à peu près 6, 7 articles à charge sur l’agriculture. On va se concerter, on va finir de se restaurer et on va voir si on ne fait pas des fois un petit convoi devant le BP juste pour leur faire un petit signal de rappel ».
Le casse-croûte a dû porter conseil, puisqu’une partie - seulement - des manifestants est allé effectivement déversé fumier et pneus sur le parking de nos confrères. Le soir même, mon homologue du Bien Public écrivait un édito dans lequel il partageait son « incompréhension » vis-à-vis de ce geste, alors même que le quotidien s’efforce de mettre en avant la réalité du travail des agriculteurs...
Je profite donc de cet édito pour exprimer le soutien de la rédaction du Journal du Palais à nos confrères. Et rappeler deux choses : la première est que je trouve parfaitement inconscient de la part d’un élu d’essayer de faire monter la mayonnaise au lieu de calmer le jeu. On attend de nos responsables politiques un peu de hauteur, certainement pas de jouer au démago au petit pied, juché sur un tracteur. La seconde est qu’un média digne de ce nom n’a pas pour vocation d’être le porte-voix d’une organisation plutôt qu’une autre.
Quand le Bien Public raconte la journée d’un exploitant agricole, il n’appelle pas L214 pour avoir sa position sur l’élevage... et c’est NORMAL. Et lorsque le quotidien fait le choix de relayer les positions, certes radicales, de L214 sans appeler la FDSEA pour dire tout le mal qu’elle en pense, c’est NORMAL aussi. Écrire un article, c’est faire des choix éditoriaux d’angle, de personnes à interroger, c’est relater des faits mais c’est aussi provoquer le débat sans prendre parti. Moi même qui ai suivi la manifestation des agriculteurs à Dijon, j’aurais pu appeler la Confédération paysanne (l’autre côté du spectre politique par rapport à la FDSEA et les JA) et j’ai fait le choix de ne pas le faire, ne le jugeant pas opportun. Sans m’interdire, un jour, d’interroger des agriculteurs qui ne partagent pas les vues des manifestants du jeudi 25 septembre à Dijon. Ça s’appelle du journalisme. Et si cela ne plaît pas à tout le monde, ça se règle avec des mots, pas avec du fumier.