Humeur

Où va la filière viticole ?

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Emmanuelle de Jesus
Emmanuelle de Jesus

La vente des vins des Hospices de Beaune obéit à un rituel bien réglé qui, de la conférence de presse matinale (où l’on constate qu’un Chapitre, la veille au soir, au Clos de Vougeot, vous ravale un people au rang de simple mortel un peu fatigué), à la montée d’adrénaline lors de la vente de la Pièce des Présidents jusqu’à la liesse finale au dernier coup de marteau, ne laisse que peu de place à la surprise.

Exception a été faite cette année par deux messieurs que l’on a peu l’habitude de voir en trublions, j’ai nommé Laurent Delaunay et François Labet, co-présidents du Comité Bourgogne (le nouveau nom de baptême du BIVB). Profitant de la présence des journalistes, ils ont, dans un numéro à deux voix dont vous pouvez lire l’intégralité ci-contre, énuméré les difficultés que rencontre la filière. Certaines sont profondes, comme le dérèglement climatique et la nécessité d’investir pour y faire face à coups d’innovations agronomiques ; d’autres tiennent à des facteurs conjoncturels, comme la crise économique, la géopolitique mondiale, les droits de douane aléatoires du premier marché de la viticulture bourguignonne AKA les États-Unis, et ce que le Comité Bourgogne nomme « la croisade hygiéniste » qui crie haro sur une filière alors que le contexte en France est déjà à la déconsommation du vin.

La Bourgogne viticole moderne, dont les Grands et Premiers crus atteignent des prix vertigineux, est l’héritière d’une histoire à la fois millénaire et finalement récente : c’est en effet à partir des années 1985-1990 que les professionnels ont progressivement poussé, à nouveau, la vinification à l’excellence (n’oublions jamais que le phylloxéra avait totalement détruit le vignoble !) pour créer des vins exacts reflets d’une mosaïque de terroirs, ces fameux Climats classés depuis 10 ans cette année au Patrimoine de l’Unesco.

Les vignerons ont dû, en un temps record, faire face à la spéculation sur le foncier et devenir des ambassadeurs de leurs vins à travers le monde où, des Amériques à l’Asie en passant par l’Europe, les plus grandes tables et les meilleurs restaurants se doivent d’avoir des flacons de bourgognes dans leurs caves. L’œnotourisme a explosé, avec encore de grandes marges de progression... et déjà, le changement climatique, les droits de succession qui voient des domaines familiaux devenir des « coups » pour des investisseurs, un désamour du vin chez les jeunes générations sont autant d’obstacles qui se dressent.

La filière viticole en Bourgogne, c’est 2,5 Mds € de chiffres d’affaires, dont plus d’1,6 Mds € à l’export. C’est une renommée internationale, qui va bien au-delà de la filière pour ruisseler sur le secteur de l’hôtellerie-restauration, ce sont des paysages préservés, de l’emploi... Alors, pour faire comme le groupe Wazoo, levons nos verres car « Boire un canon, c’est sauver un vigneron ! » Avec modération et local, évidemment car NOS vins restent les meilleurs du monde... Santé !