Humeur

Par ici la sortie !

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Emmanuelle de Jesus.

On les attendait avec une impatience non dissimulée et on n’a pas été déçu : le projet de loi de finances, de son petit nom PLF 2025, et son acolyte le PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale), consistent en une cure d’amaigrissement de 60 Mds € de dépenses publiques, constitué pour les deux tiers par des réductions de dépenses et le dernier tiers réalisé par le levier des impôts et des taxes, qui vont toucher en priorité, assure-t-on, les ménages les plus aisés et les entreprises les plus florissantes « pour un temps défini ». Entre nous, personne n’est dupe : la trajectoire budgétaire visant à repasser le déficit actuel (autour des 6% du PIB) sous la barre des 3% pour obéir à la doxa européenne, on peut pronostiquer que ce « temps défini » est bien parti pour rester, comme on dit en Franche-Comté.

Devant la Sécurité sociale, priée de se délester de 15 Mds € de dépenses et bien devant les collectivités (-5 Mds €), l’État montre l’exemple et se serre la ceinture : 20 Mds € d’économies sont attendus, avec divers aménagements qui seront arbitrés lors des débats parlementaires à coups d’amendements – saluons au passage les nuits blanches et les cafés noirs ayant mis à mal la santé des hauts fonctionnaires qui ont pondu ces projets de lois en un temps record. Or pour faire des économies, un des moyens envisagés est évidemment de se séparer d’une partie de la bien-nommée « masse » salariale parmi les fonctionnaires (itou dans les entreprises, ne rêvons pas, les restrictions seront partout).

Alors … Après les départs à la retraite non remplacés, les CDD et autres postes contractuels non renouvelés, ainsi que les reconversions joyeuses, restera évidemment une portion de collaborateurs dont il faudra régler la question. Sauf que ces dernières années le « bien-être au travail » est devenu la norme et l’adaptation des postes aux convenances de chacun pratiquement un dû pour que le salarié, fonctionnaire ou pas, ne donne son plein potentiel.

Pourquoi vouloir quitter un poste où la bienveillance, l’horizontalité des prises de décisions et l’épanouissement sont autant de fibres d’un cocon douillet ? Réponse : en le transformant en buisson de ronces. Je pronostique ici le retour d’un bon vieux management à l’ancienne, avec petits chefs aux demandes absurdes, hiérarchie pyramidale, fin du télétravail, et burn-out en série.

Cette petite musique est en train de monter et c’est même la thèse du dernier livre de la philosophe Julia de Funès, La Vertu dangereuse, où elle plaide pour un management qui assume d’être libéral. Exit les « talents », le coaching et les « soft skills » (ce savoir-être qui fait beaucoup pardonner au petit Kevin, parfait représentant de la Gen Z plus à cheval sur ses horaires que la trotteuse d’une montre suisse, un peu feignasse, mais tellement sympathique).

Alors certes, si le management d’austérité peut faire le tri dans les niaiseries type baby-foot obligatoire à la pause méridienne et massage des épaules de cadres surmenés, je dis oui. Mais si, pour pousser de leur plein gré des salariés harassés vers la sortie on en revient aux méthodes à la papa, je me demande si, entre les papouilles et la cravache, il n’y aurait pas un juste milieu...