Humeur

Pour que sonne le glas de la valse des hypocrites

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Frederic Chevalier.

Jeudi 28 juillet, Emmanuel Macron recevait le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane pour un dîner de travail sur la question de l’approvisionnement en pétrole. Un homme mis au ban de la scène internationale depuis l’assassinat en 2018 de Jamal Khashoggi au consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul, en Turquie, la CIA ayant clairement désigné Mohammed ben Salmane comme commanditaire de l’exécution de ce journaliste opposant au régime. Cette visite française intervient deux semaines après celle du président américain Joe Biden en Arabie Saoudite et deux jours après la rencontre du prince avec le Premier ministre grec, Kyriakos Mitsotakis.

Ce retour en grâce du Saoudien a pour toile de fond la guerre en Ukraine et la recherche acharnée et urgente des occidentaux de nouveaux fournisseurs de pétrole et de gaz pour compenser les approvisionnements russes devenus "persona non grata". L’objectif étant de convaincre le premier exportateur de brut qu’est l’Arabie saoudite d’ouvrir les vannes de l’or noir, afin d’apaiser les marchés et contraindre l’inflation. Redevenu “maître du jeu” ce dernier roule des mécaniques et se fait prier. Un cynisme qui a pour corollaire la cour éhontée des dirigeants européens qui, comme la cigale de la fable, craignent les conséquences d’une pénurie d’énergie quand la bise sera venue. Un pragmatisme à la moralité douteuse certes mais qui en tout état de cause trouve sa justification dans le choix politique des sanctions prises envers la Russie.

Ainsi au lieu d’affirmer cela en toute transparence, il apparaît regrettable d’entendre Emmanuel Macron déclarer la veille, de son plus hypocrite timbre, que la « question des droits de l’homme », serait abordée « comme [il] le fait à chaque fois », appuyé dans ces propos par la Première ministre Élisabeth Borne, qui ajoutait que cette rencontre ne revenait pas à « mettre de côté nos principes » ni « à remettre en cause notre engagement en faveur des droits de l’homme », alors que ces considérations universelles n’étaient clairement pas une priorité dans l’agenda de cette entrevue dinatoire. Lassés, nous le sommes de ces artifices et de nous demander, tout en paraphrasant une chanson de Brel, à quand la fin de ce bal des dupes qui a déjà eu trois cent trente-trois fois le temps de nous bâtir plus d’un roman sur la comédie humaine ?