En 1975, l’intellectuel Michel Foucault publiait Surveiller et punir, une somme sur l’histoire de la prison et la nécessité sociale de l’existence même d’un lieu de privation de liberté venu à une certaine époque (au même titre que la déportation dans les colonies, les travaux forcés...) en substitution des châtiments et des exécutions publiques de l’Ancien régime.
La prison, lieu d’exception à la fois dans les murs (à Dijon, la maison d’arrêt est à quelques centaines de mètres du centre historique) et hors de la ville puisque ce qui s’y passe échappe en grande partie à la connaissance du citoyen. Il n’est pas ici le lieu de débattre sur la nécessité ou non de l’existence de la prison en tant que telle : « école du crime » pour les uns, instrument indispensable à la lutte contre la criminalité pour les autres, la prison comme lieu de privation de liberté est appelée à demeurer.
En revanche, on peut s’interroger sur sa mission : n’est-elle qu’un espace de mise à l’écart temporaire de celui ou celle qui a contrevenu aux règles du contrat social, ou a-t-elle aussi comme objectif de prévenir la récidive ? Le reportage, sur la convention de partenariat entre la région Bourgogne Franche-Comté et la direction interrégionale des services pénitentiaires de Dijon montre qu’en BFC, l’exécutif comme l’administration pénitentiaire ont clairement fait le choix de cette double mission en mettant des moyens financiers et techniques pour permettre aux personnes sous main de justice (déjà condamnées ou non), d’avoir accès à la formation professionnelle qui débouche souvent à la sortie, sur une employabilité accrue voire à la création d’entreprises.
« Notre but, c’est de faire avancer les personnes, pas de les faire revenir », souligne Jérôme Chareyron, directeur de la maison d’arrêt de Dijon. Tout le monde devrait être d’accord sur ce point... et pourtant, à chaque vote du budget régional, il se trouve encore et toujours des voix dans l’opposition pour s’indigner que l’on dépense de l’argent public au profit de délinquants plutôt que pour les honnêtes gens. Ces voix, entre parenthèses, sont aussi à chercher parmi celles qui viennent de s’exprimer lors du scrutin européen du dimanche 9 juin.
Alors, que faire ? Laisser croupir dans la rumination et le désespoir des individus dont on aura décidé une fois pour toutes qu’ils sont irrécupérables - et à ce titre, n’en doutons pas, les mêmes réclameront bientôt leur éradiquation pure et simple sous les bravos d’une partie des citoyens favorables au retour de la peine de mort - ou décider, au nom justement du contrat social, de se donner les moyens de les réintégrer au sein du corps indivisible de la Nation ? Cette dichotomie, si on refuse de céder aux solutions simplettes, s’incarne de manière sublime dans le personnage de Javert, l’inflexible policier des Misérables de Hugo qui poursuit, inlassablement, Jean Valjean, le bagnard qui tente sa vie durant de se racheter.
Pour Javert, l’homme déchu ne peut se relever. Mais la confrontation finale entre les deux hommes - Valjean sauve la vie de Javert - ébranle littéralement l’esprit du policier qui, pour se sauver de l’effroyable tempête qui s’est levée sous son crâne, décide d’en finir, non sans avoir auparavant écrit quelques lignes au Préfet de Police pour dénoncer quelques abus qu’il a pu constater dans les prisons.
Soyons clairs : je ne demande pas aux tenants de l’irrécupérabilité des délinquants de se jeter dans la Seine (même si c’est tendance). Mais juste, pendant quelques minutes, de se poser la question de leur propre humanité et de la réponse qu’il convient d’apporter pour garantir une authentique paix sociale, et non pas l’apparente propreté que les paresseux obtiennent en mettant la poussière sous le tapis...