En 2017, une bonne partie de l’adhésion des milieux économiques à la candidature du poulain Macron, qui n’avait jamais foulé les paddocks électoraux, résidait dans un enthousiasme tonitruant (« C’est notre proooooojet ») et quelques formules chocs dont celle-ci (que l’on avait longtemps utilisée à propos d’Israël ce qui, en 2024, a une saveur amère…) : avec lui, la France allait devenir une « start-up nation », patrie de la tech, des entrepreneurs à tous crins et du libéralisme cool. Passons sur la forme – depuis que les réseaux sociaux sont devenus la norme de la communication politique, les élites ont intérêt à savoir penser vite et écrire court – pour s’attarder sur le fond et imaginons donc la France réellement devenue une entreprise et, ipso facto, son gouvernement un conseil d’administration ; quid alors de cette période floue où un gouvernement démissionnaire mais qui n’a semble-t-il même pas commandé le scotch pour faire ses cartons, continue d’administrer les affaires courantes (heureusement confondues ces quinze derniers jours avec des JO réussis) ?
Dans une entreprise de la vraie vie, celui ou celle qui démissionne est d’emblée exclu de la moindre décision, de la moindre discussion stratégique ; on ne le consulte même plus pour décider si, du Robusta ou de l’Arabica, quelle variété de café est la plus adaptée après 15 h. Alors la conduite de la France, mazette, vous n’y pensez pas. Eh bien dans notre start-up nation à la sauce French, si. On laisse à des gens sans doute plus occupés à refaire leurs CV ou à passer des coups de fil en appuyant sur la touche « renvoi d’ascenseur » le soin de gérer le pays… Autre bizarrerie qui laisse entrevoir que, non, une nation ne se conduit pas comme une PME : dans la vraie vie, dès qu’un poste se libère… c’est la ruée.
Entre recrutement externe et réveil des ambitions dans l’open space, les RH sont vite débordées de candidats. Or là, comment dire ? Matignon ? Oui mais euh non, désolé monsieur le Président. J’ai rendez-vous chez mon torréfacteur pour m’aider à choisir entre Robusta et Arabica et il est déjà 14 h 30 alors… Ah si, pardon, on en a une. Après des semaines de discussions qu’on imagine houleuses, le Nouveau Front Populaire a sorti un nom de son chapeau pour prendre le poste rue de Varenne : Lucie Castets. Haut fonctionnaire et illustre inconnue jusque-là, dont la déclaration publique la plus commentée (et encore) est la révélation de son mariage avec une personne du même sexe. Une femme (comme Élisabeth Borne), homosexuelle (comme Gabriel Attal), ça ne suffit pas vraiment comme programme politique et à part chez quelques excités du goupillon qui ont confondu une bacchanale avec la cène, ça ne devrait pas soulever les foules…
Preuve enfin qu’une nation n’est pas une entreprise : dans cette dernière, quand un produit ne marche pas, on arrête la production. Ou, comme le disait férocement Chanel : « Si une affaire ou une robe ne rapportent rien, c’est qu’elles sont ratées ! ». Alors que là… devinez qui tient la corde pour succéder à Gabriel Attal ? Bernard Cazeneuve. Bernard Cazeneuve, ancien Premier ministre, qui n’a de neuf que le nom. Je n’ai rien personnellement contre ce monsieur, entendons-nous bien. Mais alors que le NFP est arrivé en tête des votes lors des législatives, choisir un ex-socialiste qui rejette LFI au même titre que le RN (arrivé en tête au premier tour) et ne déplaît ni aux macronistes, ni au LR, c’est se moquer des électeurs, poursuivre comme si de rien n’était son cheminement obstiné dans une voie de garage et surtout, ne pas écouter le service marketing qui vous serine depuis le 7 juillet dernier que les vieux pots ne font pas les meilleures soupes… sauf si on veut la voir servie glacée, et à la grimace, en 2027.