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Le fiasco de la REP bâtiment !

Bâtiment. Depuis mai 2023, nos entreprises de bâtiment sont concernées par la « responsabilité élargie du producteur » (REP) : un dispositif vertueux qui permet de financer la reprise et le recyclage des déchets de chantier.

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(Crédits : Freepik)

Depuis mai 2023, nos entreprises de bâtiment sont concernées par la « responsabilité élargie du producteur » (REP) : un dispositif vertueux qui permet de financer la reprise et le recyclage des déchets de chantier.

Mais le caractère « vertueux » de ce dispositif, rendu obligatoire par la loi AGEC, n’existe que sur le papier. Dans les faits, l’outil ambitieux imaginé initialement et plébiscité par notre secteur, est devenu un fiasco monumental.

À l’heure actuelle, les centaines de milliers d’entreprises de bâtiment, en France, paient pour un service quasi-inexistant. En 2024, la performance de collecte des déchets de catégorie 1 (gravat, tuile, béton) était identique à la situation qui prévalait avant la mise en place de la REP. Quant aux déchets de catégorie 2 (bois, métal, plâtre, menuiserie), seuls 7% ont pu être repris !

Si les points de collecte sont plutôt bien déployés sur le territoire, leur accès en revanche est restrictif et ne concerne que 20% des volumes de déchets. Pour les 80% restants, la collecte directe sur chantier ou en entreprise demeure au stade embryonnaire. La REP Bâtiment fait l’objet de multiples dysfonctionnements qui ne répondent pas à la promesse de départ : à savoir, une reprise gratuite et facile des déchets de chantier en contrepartie d’une taxe sur les produits et matériaux.

Seul le paiement de la contribution est aujourd’hui effectif auprès d’éco-organismes qui n’ont d’éco que le nom. Ces éco-organismes sont des structures privées qui s’arrogent une toute-puissance de collecte, sans jamais se remettre en question. Alors que nous réclamons depuis des mois, une publication en amont des hausses de tarif afin de pouvoir les appliquer dans nos devis établis à l’avance, les éco-organismes continuent à nous communiquer ces hausses, sans explication, dans des délais très courts. La Fédération Française du Bâtiment plaide, par ailleurs, pour la mise en place d’un Conseil de surveillance de la REP Bâtiment afin de faire entendre la voix des artisans et entrepreneurs, ainsi qu’une totale transparence sur le montant des éco-contributions perçues par éco-organismes, par famille de déchets et sur le montant alloué à la collecte opérationnelle. Compte tenu des montants en jeu, cette demande de transparence est plus que légitime !

Moratoire gouvernemental sans ambition

Après des mois de protestations, les pouvoirs publics semblent commencer à prendre conscience des ratés du dispositif. La Ministre de la Transition écologique a décrété mi-mars « un moratoire » et s’est engagée à proposer une « refondation » de la REP. Comme un pied de nez à l’annonce ministérielle, dès le lendemain de cette communication, le principal éco-organisme, Valobat, en profitait pour annoncer et imposer une hausse très importante de ses tarifs de reprise !

Les premiers échanges avec le Ministère de la Transition écologique laissent craindre une « refondation » pour le moins cosmétique. Pire, le fameux « moratoire » prévoit surtout, à ce stade, de suspendre les rares mesures de progrès pour les entreprises ! Le Ministère annonce qu’il rendra ses arbitrages début mai après une concertation de quelques semaines : un temps bien trop court pour remettre le dispositif à plat et tenir compte, une bonne fois pour toutes, de l’ensemble des options réalistes !

Si cette « refondation » devait aboutir à des mesurettes, la colère serait immense parmi nos adhérents. Dans un contexte économique difficile, payer toujours plus pour un service qui existe toujours moins, a largement dépassé les limites de l’acceptabilité. Cette injustice pourrait conduire, assez rapidement, à des actions sur le domaine public que notre organisation professionnelle ne pourra pas canaliser très longtemps.

Entendons-nous bien sur un point : notre Profession ne rejette aucunement le principe de la REP et l’impérieuse nécessité de lutter contre les dépôts sauvages. Nous souhaitons au contraire que le dispositif fonctionne et que le recyclage soit une ambition partagée par tous en faveur de l’environnement. Notre Fédération a d’ailleurs créé elle-même, il y a 20 ans, un site web qui permet de localiser les lieux de recyclage et demande des sanctions fortes contre les dépôts sauvages. Mais ce que nous contestons aujourd’hui est un système lucratif abusif qui ne répond en rien aux objectifs fixés par le législateur en 2020.

Nous sollicitons donc votre appui afin que la « refondation » annoncée par les pouvoirs publics soit réellement une remise à plat d’ampleur du dispositif. Face à l’exaspération croissante, nous avons besoin que des voix portent contre ce scandale absolu qui met à bout nos artisans et entrepreneurs de Bâtiment. Je vous prie de croire, Madame la députée, Monsieur le député, Madame la Sénatrice, Monsieur le Sénateur, Monsieur le Préfet, à l’assurance de ma parfaite considération.