Néo-nicotinoïdes : la lettre ouverte d’Anne Vignot au député Croizier
Ecologie. Le projet de loi Duplomb envisage la ré-autorisation de certains insecticides, notamment les néonicotinoïdes, interdits en France depuis 2018 pour des raisons scientifiques claires puisque plus d’un millier d’études ont été publiées dans littérature scientifique.

Monsieur le Député,
Le projet de loi Duplomb envisage la ré-autorisation de certains insecticides, notamment les néonicotinoïdes, interdits en France depuis 2018 pour des raisons scientifiques claires puisque plus d’un millier d’études ont été publiées dans la littérature scientifique.
Cette perspective de remise sur le marché de telles substances inquiète au plus haut point la communauté scientifique qui a publié une tribune sur le sujet le 5 mai dernier. Ce sont, plusieurs centaines de médecins, mais aussi de nombreux scientifiques issus des universités et des organismes de recherche publics (Centre national de la recherche scientifique, CNRS ; Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, Inraé ; Institut de recherche pour le développement, IRD ; Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), qui ont manifesté leur inquiétude.
La remise sur le marché de telles substances aurait en effet des conséquences désastreuses pour notre environnement mais aussi pour la santé de nos compatriotes, les agriculteurs et leur famille en premier lieu.
Sur notre territoire, les effets catastrophiques de l’usage de pesticides par l’agriculture, la sylviculture et l’entretien d’espaces sont déjà visibles. Les insectes ont disparu de nos prairies, pelouses, ruisseaux et lacs et par conséquent c’est toute la chaine trophique qui est en perte de vitesse avec un effondrement de la biodiversité.
Pour ces raisons, la Ville de Besançon a organisé les premières Assises des pollinisateurs en 2018 puis les a de nouveau organisées en 2023.
Les abeilles ont longtemps été les sentinelles de l’état des insectes pollinisateurs. Les apiculteurs, qui sont les premiers témoins des conséquences des néonicotinoïdes sur leurs ruches, nous prouvent que les enjeux écologiques ont des conséquences très directes sur l’économie. Le Syndicat Apicole du Doubs s’est mobilisé le 7 mai dernier pour vous alerter.
Au-delà de la mortalité des abeilles, quel serait notre monde sans pollinisateurs ? Quelle production arboricole, fruitière et maraîchère, aurions-nous sans les pollinisateurs ?
Pour ces raisons encore, la Ville de Besançon, dès 2004 avait cessé d’utiliser de produits phytosanitaires pour l’entretien de ses espaces verts, exceptés pour les terrains sportifs et les cimetières. Depuis 2017, la ville est en zéro pesticide total.
Elle a intégré la question des pollinisateurs sauvages dans ses politiques de gestion des espaces publics en modifiant ses pratiques : fauche tardive, plan de gestion différencié des espaces verts, prairies fleuries… Ces actions ont nécessité une importante mobilisation de nos agents et un programme de formation.
La loi Labbé de 2017, suivie de celle de 2019, ont permis d’accélérer cette tendance des collectivités à ne plus utiliser de pesticides. La SNCF a entrepris d’importants efforts pour limiter drastiquement l’usage de désherbant pour l’entretien de son réseau.
Les particuliers, les entreprises suivent ce mouvement et l’on peut s’en réjouir.
Les villes sont ainsi devenues paradoxalement des refuges pour la biodiversité. Mais leurs territoires seuls ne peuvent suffire à constituer les réservoirs de biodiversité nécessaires au fonctionnement des écosystèmes. Il est vital de poursuivre cette dynamique d’abandon des pesticides et de définir un modèle viable et pérenne pour l’agriculture.
Il est également cynique de constater que les premiers défenseurs de cette ré-autorisation sont ceux-là mêmes qui en sont les premières victimes.
Devant une telle responsabilité, je vous demande quelle position vous adopterez lors du vote de la loi.