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Pour que le secret professionnel de l’avocat perdure

Droit. L’Ordre des avocats de Dijon, son bâtonnier Stéphane Creusvaux, suites aux oppositions manifestées par la Conférence des bâtonniers.

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Connaissance prise du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire issu de la Commission mixte paritaire et de l’accord intervenu au sujet notamment du secret professionnel de l’avocat, projet qui a pour effet de rendre ce secret inopposable en certaines matières,

Fait part de sa plus totale désapprobation quant à cette réduction totalement injustifiée du secret professionnel de l’avocat dont l’unicité, qui concerne la défense et le conseil, résulte déjà de l’article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 modifiée portant réforme des professions judiciaires et juridiques, et permet à la République française d’honorer ses engagements internationaux en se conformant aux principes de la Convention européenne de sauvegarde des libertés et droits fondamentaux tels qu’interprétés par les juridictions nationales et européennes,

Refuse que le secret professionnel de l’avocat, dont les bâtonniers sont aussi les garants, puisse faire l’objet de négociation dans une société démocratique car il en constitue l’un des piliers en garantissant la suprématie de l’État de droit sur l’État de police,

S’inquiète de la dégradation des libertés publiques et des droits fondamentaux qui va nécessairement en découler, rappelle que le secret professionnel de l’avocat, que celui-ci ne détient jamais pour lui-même mais au regard de son rôle dans une société démocratique, ne saurait connaître une exception aussi intolérable qu’injustifiée pour l’activité de conseil en matière fiscale et en matière de délits financiers, alors que cette exception est actuellement envisagée par le gouvernement et le législateur, et ce, même si l’avocat n’a pas participé à la commission des infractions poursuivies à l’encontre de son mandant,

S’insurge contre le compromis issu de la Commission mixte paritaire qui opère, en l’état de la rédaction de l’article 56-1-2, 1° du code de procédure pénale, une confusion inacceptable entre d’une part les pièces d’un justiciable susceptibles de faire l’objet d’une saisie dans le cadre d’une enquête préliminaire ou d’une information, parce que non couvertes par le secret professionnel de l’avocat, et, d’autre part, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l’avocat et ses confrères, à l’exception pour ces dernières de celles revêtues de la mention « officielle », les notes d’entretien, les agendas, cahiers de messages téléphoniques, et plus largement, toutes les pièces du dossier qui sont couvertes par le secret professionnel prévu et garanti par l’article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 précitée,

Constate avec effarement l’aberration juridique que ce même projet de texte vise à créer en son 2°, pour l’avocat, par l’avènement d’une situation de complicité non intentionnelle de celui-ci permettant d’exclure le secret professionnel,

Alerte sur le fait que, par cette rédaction imprudente, les autorités de poursuite pourront, sur la seule existence d’une enquête en matière fiscale ou en matière de délit financier, saisir à l’occasion de perquisitions, la totalité des pièces de son dossier et, sur la seule allégation de l’existence de ces mêmes délits, procéder à l’écoute téléphonique du cabinet d’avocat et à la saisie de tous ses outils numériques, sans que pour autant il puisse être fait grief à l’avocat d’une quelconque participation aux faits reprochés à son mandant,

Demande instamment et solennellement au gouvernement, en application de l’article 45, alinéa 3 de la Constitution, de présenter un amendement de suppression des dispositions précitées afin de rétablir la lettre et l’esprit du texte initial visant à garantir le secret professionnel de l’avocat tant en matière de défense que de conseil.