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Programme économique du RN : une incertitude problématique

Élections. Alors qu’on ne peut pas exclure l’arrivée du RN au pouvoir suite aux élections législatives de début juillet, le cabinet Asterès s’est penché sur le programme économique du parti (à partir du programme de 2022 et des prises de position du RN ces dernières années).

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Photo d'une personne s'occupant des comptes
(Crédit : Freepik)

« Il n’est pas aisé d’estimer quelles seraient précisément les conséquences économiques pour l’économie française si le programme économique du RN était adopté, car les positions du parti en matière de politique économique sont à la fois floues et changeantes. Cette incertitude est un problème en soi, car une bonne politique économique doit être claire et prévisible. Or, les propositions clairement identifiées du RN (baisse de TVA et hostilité à l’immigration notamment) se révèleraient probablement néfastes à l’économie française.

La limitation de l’immigration est un point central du programme du RN. Le parti en attend de multiples bénéfices économiques (baisse du chômage ou réduction des dépenses publiques). Mais le problème de l’économie française est plus le manque de travailleurs que le chômage. Un argument récurrent de l’extrême droite est que la limitation de l’immigration permettrait de faire baisser le chômage en « gardant » les emplois pour les natifs. Cependant, un travailleur immigré génère aussi de l’activité économique (donc des emplois) du fait de son travail. Les exemples de la Suisse, de l’Allemagne, de Singapour, des États-Unis ou du Canada montrent qu’une part importante de travailleurs immigrés n’entraîne pas une hausse du chômage. Plusieurs travaux confirment cette conclusion, comme la célèbre étude du Prix Nobel David Card qui montre que l’immigration cubaine à Miami n’a pas conduit à une hausse du chômage ou à une baisse des salaires. Marine le Pen avance aussi l’idée que son programme de réduction de l’immigration génèrerait un gain pour les finances publiques (notamment du fait d’une baisse des dépenses sociales) de 16 milliards d’euros par an. Outre que le calcul permettant d’arriver à ce chiffre n’a, à la connaissance d’Asterès, pas été précisé, de nombreuses études contredisent l’idée même selon laquelle l’immigration serait un poids pour les finances publiques. Du fait de la hausse des recettes fiscales liée à la hausse du nombre de travailleurs, l’immigration pourrait même être bénéfique pour les finances publiques, à plus forte raison s’il s’agit d’une immigration de travailleurs qualifiés.

Parmi les mesures envisagées par le RN pour accroître le pouvoir d’achat, la baisse de TVA est régulièrement avancée. Elle pourrait concerner l’énergie ou les biens de « première nécessité » (alimentation notamment), sans que le périmètre ne soit clairement défini, ce qui rend des estimations chiffrées difficiles. Les exemples passés de baisse de TVA sont nombreux, en France comme à l’étranger, mais il est difficile de déterminer une proportion de répercussion de cette baisse dans les prix tant les conclusions divergent en fonction des cas : dans certains cas, la majorité de la baisse de TVA a été répercutée dans les prix (jusqu’à 90 % dans le cas d’une baisse momentanée de TVA sur les produits de première nécessité en Espagne), dans d’autres cas cette répercussion a été très faible (seulement 10 % de répercussion dans les prix dans le cas de la baisse de TVA dans la restauration en France). En effet, la répercussion d’une variation de TVA dans les prix peut être influencée, entre autres, par l’intensité concurrentielle du marché, l’ampleur et le sens de la variation, le caractère permanent ou temporaire de la variation ou encore le contexte économique dans lequel intervient cette évolution.

D’après les estimations d’Asterès, lorsque l’Etat perd 100 € de recettes fiscales du fait d’une baisse de TVA sur les produits de première nécessité, les ménages modestes bénéficient d’une hausse de pouvoir d’achat limitée à 15 €. Ce résultat est obtenu en considérant que 60 % de la baisse de TVA est répercutée dans les prix (cette proportion de répercussion dans les prix semble correspondre à un scénario moyen au vu des exemples passés), ce qui implique que les entreprises de la distribution bénéficient d’un gain de 40€. Il serait ainsi préférable, pour accroître le pouvoir d’achat de parties spécifiques de la population, de cibler directement des mesures (aides, hausses de la prime d’activité par exemple) afin que 100% des sommes engagées par l’Etat atteignent le public visé... et ce d’autant que les ménages aisés consomment plus que les ménages modestes, y compris sur les biens de première nécessité. Par exemple, les 10 % des ménages français les plus aisés dépensent deux fois plus de TVA en pâtes que les 10 % des ménages les plus modestes car ils achètent des produits de meilleure qualité. Ainsi, une baisse des prix permise par la baisse de TVA bénéficie plus, en nombre d’euros, aux ménages aisés qu’aux ménages modestes. »

La semaine prochaine, l’analyse d’Asterès sur le programme du Nouveau Front Populaire.