Retraite, l’Arlésienne des auto-entrepreneurs
Travail. En plus des préoccupations auxquelles les indépendants doivent faire face quotidiennement, comme développer leur chiffre d’affaires et remplir leur frigo, communiquer pour pérenniser l’activité ou l’administrer au jour le jour, vient se greffer une angoisse de taille : celle de l’avenir.
Le droit à une retraite digne après une vie travaillée est l’un des piliers du contrat social entre les Français, les partenaires sociaux et l’État. Il suffit d’ailleurs qu’un gouvernement évoque la question de la retraite, pour assister à une levée de boucliers massive et constater à quel point le sujet est sensible et d’une importance capitale pour la cohésion de notre société. Si chaque salarié peut savoir précisément où en sont ses droits retraites et à combien il pourra prétendre le jour venu, au travers d’un simulateur, le sujet est radicalement différent pour les indépendants.
Aussi lunaire que cela puisse paraître pour beaucoup, cette transparence sur la constitution des droits retraite est un luxe que les travailleurs indépendants n’ont pas non plus. En effet ces derniers n’ont aucune visibilité sur la validation de leurs trimestres et ne peuvent pas effectuer une simulation de leur future pension. Et la raison est plutôt simple ou incroyable : personne ne semble savoir précisément comment faire, et à force d’assiettes de cotisations qui changent, de pourcentages affectés dans ces mêmes cotisations, d’additions de retraites de base et d’éventuelles retraites complémentaires, leur avenir de retraités est incalculable. Personne ne semble savoir vraiment quelle part des cotisations dont les auto-entrepreneurs s’affranchissent est clairement affectée à leur retraite. Quand pourra-t’on répondre à la simple question : « après toutes ces années à cotiser, je vais toucher combien et quand ? ».
Il est urgent qu’un travail de fond soit effectué par le concours de tous pour lever ce flou administratif et social, qui plonge des millions de travailleurs dans l’incertitude et l’angoisse de l’avenir. L’absence totale de réponses claires, 15 ans après la création du régime de l’auto-entrepreneur, pourrait être révélateur d’une sorte de manque de considération, voire de respect vis à vis de cette population. Rappelons qu’elle est productrice de richesse, tant humaine, sociale, qu’économique, en contribuant à plus de 5 milliards d’euros chaque année dans les comptes de l’État.
Des travaux gouvernementaux semblent s’orienter vers un projet de recalcul de la part des cotisations retraite aujourd’hui versées par les auto-entrepreneurs dans leurs cotisations sociales globales. Si la volonté de ce projet semble louable et pertinente, en envisageant de projeter de nouveaux droits notamment en matière de retraite complémentaire, encore faudrait-il connaître les droits actuels ou les droits acquis pour savoir quels droits nouveaux seraient créés. Tous les auto-entrepreneurs que nous rencontrons chaque jour ont un discours simple et de bon sens : combien de chiffre d’affaires dois-je réaliser pour valider quatre trimestres ? À combien s’élèveront mes droits et comment chaque année je peux piloter mes droits retraite ? à quel âge pourrais-je m’arrêter et avec combien de pension ?
Autant de questions simples auxquelles personne ne répond précisément, alors même qu’un grand nombre d’auto-entrepreneurs qui ont été salariés ou qui sont « slasheurs » ont une visibilité des leurs droits pour la partie salariale de leurs revenus. N’est-ce pas là la plus grande des injustices que de ne pas pouvoir construire son avenir ?
Il est donc urgent de donner visibilité et transparence à ces droits retraite, avant même d’imaginer vouloir en réformer l’assiette des cotisations, l’éventuelle augmentation de leurs montants ou encore leurs ventilations entre retraite de base et complémentaire. L’Union des Auto-Entrepreneurs y veillera.