Champagne / In Vino

Dans 20 ans, le vin de Bourgogne sera made in England !

Viticulture. Avec le réchauffement climatique, viticulteurs et investisseurs anglais s’engagent dans la production de bourgogne.

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Au XVe siècle, c’est autour des Armagnacs que le Duché de Bourgogne fit alliance avec l’Angleterre. Au XXIe siècle c’est peut-être autour du pinot que les deux pays pourraient se livrer une guerre à venir. C’est en tous cas ce qu’ont laissé entendre deux chercheurs spécialistes du vignoble, Alistair Nesbitt de la société Vinescapes et Stephen Dorling de l’université d’East Anglia (Angleterre).

Du Champagne au Bourgogne

En cause, le réchauffement climatique. Selon leur étude, une augmentation de 1,4 degrés des températures d’ici 2040 pourrait permettre au Pays de Galles et à l’Est de l’Angleterre de produire des vins de Bourgogne à base de pinot noir mais aussi de sauvignon ou de riesling. Si l’idée de produire du bourgogne en Angleterre peut faire sourire - ou pleurer - l’idée est loin d’être fantaisiste.


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D’une part, l’Angleterre, engagée dans la viticulture depuis 1955 empiète déjà depuis une quarantaine d’années sur le marché du champagne qui constitue aujourd’hui 72% des parcelles et 50% de la production. Même la prestigieuse maison Taittinger avait investi 5,5 millions d’euros en 2015 dans le Kent près de Canterburyn pour y développer son vin effervescent selon la méthode champenoise. Même si ce vin est appelé sparkling english wine, il reprend les process de vinification des champagnes dont la méthode d’embouteillage fut inventée en 1625… par les Anglais.

Le vignoble anglais plus grand que le Bourgogne en 2040

Alors, doit-on s’inquiéter ? Oui car jusqu’ici, les vignobles anglais étaient surtout constitués de vins se développant dans des climats frais, mais les pinot noir (33%), meunier (13%) et chardonnay (32%) ont peu à peu conquis les surfaces et séduit les viticulteurs et les investisseurs qui parient sur une évolution des bons effervescents vers des rouges tranquilles, en grande partie issus du pinot noir. Plus encore, l’étude cherche à démontrer que des régions qui n’ont quasiment jamais vu un cep, au sud-est, pourraient offrir à l’aube de 2040 des superficies supérieures à 33.700 hectares, soit une fois et demi le vignoble de Bourgogne.

Quatre fois plus de vignobles en 20 ans

Et l’annonce de cette « bonne nouvelle » liée au changement climatique à Ontario à la fin du mois de juillet a commencé à faire rêver : investisseurs, nouveaux exploitants, et même les États qui voient là une opportunité de développement presque sans limite puisque, contrairement à d’autres cultures, l’étude note que le réchauffement climatique n’a pas ralenti l’expansion des viticulteurs. Aujourd’hui le vignoble anglais représente 800 exploitations pour une superficie de 3.800 hectares (+400% entre 2004 et 2021) et en 2018, le vin anglais a connu une production record de 15,6 millions de bouteilles qui, selon Alistair Nesbitt et Stephen Dorling devrait être assez facilement battue. God save the ducs !