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Agrivoltaïsme : quand l’agriculture marche à l’ombre...

Changement climatique. La ministre déléguée auprès du ministre de l’Agriculture Agnès Pannier-Runacher était en Côte-d’Or jeudi 21 mars pour une rencontre sur le développement de l’agrivoltaïsme. Après la visite d’un site pilote de canopée agricole à Verdonnet, la ministre a échangé avec des représentants du monde agricole et des élus locaux.

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  • Photo d'Agnès Pannier-Runacher, Didier Lenoir et Mathieu Debonnet
    Sur le site de la canopée agricole à Verdonnet. Entourant Agnès Pannier-Runacher, Didier Lenoir (président de Alliance BFC et de Dijon Céréales) et Mathieu Debonnet, président-fondateur de l’énergéticien TSE. (Crédit : JDP)
  • Photo d'Agnès Pannier-Runacher
    Agnès Pannier-Runacher : « Je trouve que ce projet est très illustratif de cette démarche qui permet à la fois à un groupe d’agriculteurs, d’avoir du revenu, de tester le bénéfice agricole de l’installation et de produire de l’électricité bas carbone au service du collectif. » (Crédit : JDP)
  • Photo du site de la canopée agricole à Verdonnet.
    Le site de la canopée agricole à Verdonnet. (Crédit : JDP)

Alors que le changement climatique affecte brutalement les agriculteurs, les panneaux photovoltaïques seront-ils un des leviers d’adaptation de la profession ? C’est à cette question qu’Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée au ministre de l’Agriculture s’est efforcée de répondre jeudi 21 mars lors de sa visite dans le nord de la Côte-d’Or en annonçant d’ores et déjà la date du 26 mars pour l’examen final du décret sur « l’agrivoltaïsme et le photovoltaïque sur les terrains agricoles, naturels ou forestiers », soumis au Conseil d’État depuis décembre. Sa publication devrait suivre sans délai et le décret devrait être appliqué territoire par territoire - la Côte-d’Or, avec sa charte sur l’agricoltaïsme, ayant été précurseur dans le domaine.

Prédominance de l’activité agricole

Nouvel Eldorado des énergéticiens, moins controversé que les parcs éoliens et permettant la valorisation des terres déclassées (panneaux au sol) ou la poursuite des activités sur les terres agricoles (canopée), l’agrivoltaïsme suscite bien des convoitises et des espoirs du côté des agriculteurs dont les revenus, on l’a vu récemment à l’occasion de violentes manifestations, sont à la fois irréguliers et insuffisants pour bien d’entre eux.

Attention toutefois, s’est attachée à repréciser la ministre : « La vision que j’ai portée lorsque j’étais en charge de l’énergie et que je porte aujourd’hui à l’agriculture, c’est d’avoir un développement ordonné de l’agrivoltaïsme. C’est une opportunité pour les agriculteurs pour deux raisons : c’est un des outils de réponse au défi climatique, aux aléas de récolte et au bien-être animal dans un contexte de dérèglement climatique, et c’est également une source de revenu régulier qui dans un moment où les agriculteurs sont confrontés à une crise avec des aléas climatiques et des marchés agricoles qui sont désorganisés du fait notamment de la guerre en Ukraine ; mais ce développement doit se faire de manière raisonnée, la loi est très stricte : elle dit qu’à aucun moment on ne doit mettre en concurrence la souveraineté alimentaire et agricole avec la souveraineté énergétique. Les seules installations autorisées seront des installations qui permettront de renforcer le potentiel agronomique ou le bien-être animal s’agissant d’élevage »

À ce titre, le site pilote qui avait été choisi pour cadre de la visite d’Agnès Pannier-Runacher est assez exemplaire : mis en œuvre par l’entreprise TSE (voir encadré), sur « la pire parcelle de l’exploitation », dixit Jean-François Cortot, l’un des quatre associés de la SCEA des Tours, propriétaire du foncier, la canopée permet d’associer production d’énergie - l’injection dans le réseau a commencé au printemps - et activité agricole, la hauteur sous les panneaux photovoltaïques (à cinq mètres), laissant libre le passage des engins.

La question du partage de la valeur

Si le site de Verdonnet est encore trop récent pour livrer des conclusions pérennes et être duplicable en l’état, il semble en tous cas avoir emporté l’adhésion du monde agricole. « C’est l’opportunité de développer une nouvelle activité de production énergétique, en lien avec l’installation de la nouvelle génération de nos enfants sur l’exploitation », explique ainsi Jean-François Cortot quand Didier Lenoir, président de l’Alliance BFC salue le fait que « les agriculteurs qui ont fait le choix important d’accueillir ce type d’installation aient finalement le fruit de l’œuf qu’ils ont mis dans leur panier, l’œuf supplémentaire qui leur permet d’ajouter plus de valeur dans leurs exploitations ».

Jean-Luc Loizon, président de la Safer de Côte-d’Or a néanmoins nuancé ce concert de louanges en rappelant les enjeux soulevés par l’agrivoltaïsme et la nécessite de bâtir « le cadre juridique de tous ces nouveaux projets. On a l’impression que les baux qui protégeaient les exploitants ne sont pas forcément très adaptés, notamment dans le cas où le propriétaire n’est pas l’exploitant. »

Il met également en garde contre le prix du foncier, les opportunismes et le risque de créer une agriculture à deux vitesses entre ceux qui possèdent du foncier propice à l’agrivoltaïsme et ceux qui en seront écartés : autant d’écueils dont il ne voudraient pas qu’ils pénalisent des projets dont les agriculteurs, face aux dérèglements climatiques, ont besoin.

« Voilà pourquoi la Commission départementale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers a un droit de veto sur les projets », a rappelé la ministre qui pour autant se refuse à « priver ceux qui ont cette opportunité. Sinon, sous prétexte d’égalité, on empêche tout le monde d’avoir du progrès. Donc il faut l’accompagner ! Le prix du foncier est un point essentiel, d’où l’importance du partage de la valeur, de son lien avec le foncier et de comment propriétaire, exploitant, porteur de projet et peut-être les collectivités locales peuvent se répartir cette création de valeur avec un enjeu : le prix de l’électricité qui doit rester compétitif. Pour partager de la valeur, a conclu la ministre, il faut commencer par en créer ! »