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Clhynn réinvente la pile à combustible

Innovation. Basée à Besançon, la start-up Clhynn développe une technologie unique au monde de piles à hydrogène vert sans platine ni réservoir sous pression et qui génère son propre hydrogène.

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Photo de Jean-Patrick Corso
Jean-Patrick Corso. (Crédit : JDP)

Bernard Gauthier-Manuel, professeur issu du laboratoire Femto-ST et Jean-Patrick Corso, entrepreneur de Chalon-sur-Saône, ancien directeur général de PME et responsable de grands projets dans l’énergie chez Aréva, en sont convaincus : l’hydrogène a toutes les chances de faire partie du peloton de tête des sources d’énergies du futur.

« La pile à combustible et plus particulièrement la pile à hydrogène est la pile de demain ! Elle produit de l’électricité à partir d’oxygène de l’air et d’hydrogène, elle ne génère pas de CO2 ni de déchet : uniquement de l’eau et de la chaleur, explique Jean-Patrick Corso. Cependant aujourd’hui cette technologie présente quelques failles qui rendent son utilisation à court terme à grande échelle impossible. Or, il y a urgence à lever ces écueils si l’on veut répondre au défi climatique, dans un monde où les transports représentent 30 % des émission de gaz à effet de serre ».

Les contraintes pesant sur l’hydrogène évoquées par Jean-Patrick Corso sont de plusieurs niveaux. Il y a d’abord la question de savoir comment on le produit : aujourd’hui, cela se fait à partir d’eau ou d’hydrocarbures, soit par procédés thermochimiques avec captage du CO2 émis lors de la fabrication, soit par électrolyse de l’eau.

Dans ce second cas, l’énergie nécessaire à la réaction peut être carbonée (énergies fossiles) ou verte (éoliens, hydrauliques, biomasse). À l’heure actuelle, 85 % de l’hydrogène produit à une origine carbonée. Autre problème : son stockage qui se fait sous pression. Enfin, l’hydrogène et inflammable et explosif.

« Si l’on regarde du côté des piles, d’autres obstacles apparaissent notamment au niveau du catalyseur. On utilise habituellement le platine un composant cher et extrêmement rare (seulement 13.000 tonnes dans le monde). De plus, il est extrait à 80 % en Afrique du Sud et à 10 % en Russie, ce qui pose de réelle question de souveraineté », affirme Jean-Patrick Corso.

Une solution qui lève tous les freins

Après quinze ans de recherche et développement, le binôme a réussi à développer une technologie révolutionnaire de pile à combustible sans platine, générant sa propre source d’hydrogène, capable de véritablement accélérer la transition vers une mobilité verte.

« La solution, nous l’avons trouvée en faisant fonctionner notre pile à l’envers, par rapport aux piles classiques, simplifie avec le sourire Jean-Patrick Corso. Multi-membranes, notre solution en possède notamment une directement anionique. Nous échangeons ainsi des ions OH-, au lieu de H+ dans les piles classiques, ce qui nous permet d’utiliser comme catalyseur le nickel : mille fois moins cher que le platine, présent partout dans le monde et en grande quantité (100 millions de tonnes) ».


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Autre atout de leur technologie : elle est capable de générer sa propre source d’hydrogène en utilisant l’eau rejetée à l’usage et une base de silice. Cette source d’hydrogène est ainsi 100 % verte et lève également les inconvénients du stockage sous pression et de l’utilisation d’infrastructures spécifiques, nécessaires aux solutions classiques. De plus, en fin de vie, elle est utilisable comme engrais. « Notre pile offre de 30 % à 300 % fois plus autonomie que l’existant pour un même volume de réservoir », lance Jean-Patrick Corso.

Incubé par Deca-BFC, le duo a créée en mars 2022 la strat-up Clhynn, aujourd’hui hébergée au sein de la technopole Temis innovation. Labellisée par le Pôle Véhicule du Futur leur technologie, qui se compose de deux éléments, la pile en elle-même et la source d’hydrogène auto-produite couplable à la pile, a fait l’objet d’un dépôt de trois brevets.

Applications multiples

Aujourd’hui, l’entreprise travaille sur des piles de petite dimension et devrait proposer un premier démonstrateur cette année.

« D’ici à fin 2024, nous devrions présenter un premier produit d’un à dix kilowatts, précise Jean-Patrick Corso. En 2025, nous devrions commencer à travailler avec le marché de l’automobile pour coconstruire ensemble notre développement (13 millions de véhicules à hydrogène devraient circuler en 2030 contre moins de 20.000 aujourd’hui). Côté applications, trois horizons s’offrent à nous : l’univers des minipiles en stationnaire (capteurs, drones…), la mobilité intralogistique et les véhicules de mobilité moyenne à lourde ».

La start-up a notamment bénéficié d’aides de la région, de Bpifrance et de l’appel à projet i-Lab. « Nous sommes aujourd’hui cinq personnes dans l’entreprise. Notre objectif est d’être une cinquantaine d’ici à 2030. Un laboratoire à L’Isle-sur-le Doubs est en cours de création avec des recrutements envisagés pour la fin de l’année. Ce développement s’accompagnera prochainement d’une première levée de fonds. Nous avons investi une centaine de millier d’euros jusqu’ici et nous estimons devoir lever sept millions d’euros en plusieurs opérations, à plus ou moins court terme ».