Collectivités

De la station de ski à la station de montagne

Environnement. Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires était à Métabief lundi 20 février pour prendre toute la mesure de la transition opérée par la station de ski alpin du Doubs en réponse au changement climatique, qui remet sévèrement en cause le modèle économique des stations de moyenne montagne.

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    Métabief, montagnes du Jura (Crédit : JDP)
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    Métabief, montagnes du Jura (Crédit : JDP)

La question du changement climatique impacte directement les activités touristiques de montagne. Le devenir des stations de ski et par conséquent, les travaux que les opérateurs engagent pour maintenir le ski alpin, font l’objet de débats dans toutes les régions de montagnes européennes.

La station de Métabief dans le Haut-Doubs a été l’une des premières, dés 2015, à engager une réflexion sur le devenir de son modèle économique face aux enjeux climatiques, à l’horizon 2030-2035.

C’est le panel de solutions imaginées par son gérant le Syndicat mixte du Mont d’Or (SMMO) que le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu est venu saluer lundi 20 février lors d’une visite matinale sur ce domaine de moyenne montagne.

Il s’est ensuite rendu, dans l’après-midi, à la préfecture à Besançon pour rencontrer les élus locaux afin d’échanger autour des dispositifs d’accompagnement des collectivités territoriales proposés par l’État pour accélérer la transition écologique, notamment le Fonds vert.

« Nous sommes ici au cœur d’un territoire laboratoire. Ce qui se fait à Métabief, c’est ce qu’il va valoir faire partout en France. Le modèle doubien servira d’exemple dans la construction du nouveau plan d’adaptation au changement climatique que le gouvernement présentera dans les prochains mois », a-t-il affirmé devant la luge quatre saisons, premier investissement de la station de Métabief allant dans le sens de sa mutation.

Baptisée la Luge des Cimes, ouverte depuis l’été, cette activité fonctionne indépendamment des conditions météorologiques, avec ou sans neige.

Luge sur rails
Luge sur rails (Crédit : JDP)

« Elle est ouverte au public dix mois par an, permettant ainsi de faire vivre l’expérience, mais aussi l’esprit station, tout au long de l’année. Elle remplace l’ancienne luge d’été, vieillissante et jusqu’alors, ouverte uniquement sur les deux mois estivaux », explique Philippe Alpy, maire de Frasne, vice-président département du Doubs en charge du développement territorial et président du SMMO.

Se réinventer pour survivre

La station de ski alpin de Métabief est située à une altitude comprise entre 900 et 1.400 mètres. Le domaine skiable propose environ 40 kilomètres de pistes et comprend une vingtaine de remontées mécaniques, dont six télésièges à pinces fixes âgés de plus de 35 ans et un télésiège débrayable en service depuis 15 ans.

En 2016, les équipes de la station ont établi un diagnostic des équipements de remontées mécaniques du domaine : état, maintenance, investissements nécessaires. Accompagnés d’experts climatiques, ils ont également analysé l’augmentation des températures locales, la réduction des plages de froid en hiver et ont élaboré des projections climatiques pour leur zone géographique sur les années à venir.


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Le constat est alors sans appel : « Cette année, nous avons eu 60 centimètres de neige naturelle cumulée, alors que la moyenne habituelle était de 2,5 mètres. De même, nous n’avons eu que deux petites séquences de froid pour faire de la neige de culture », développe Philippe Alpy pointant également d’importants investissements, de l’ordre de six millions d’euros, réalisés par le SMMO entre 2010 et 2020 pour déployer la neige de culture qui couvre désormais 40 % du domaine et pour mettre à niveau les équipements hivernaux.

« Aujourd’hui pour inscrire la pratique du ski alpin dans la durée sur notre territoire un nouvel investissement de plus de 20 millions d’euros serait nécessaire au remplacement d’un grand nombre de remontées mécaniques devenues vétustes et énergivores. C’est pourquoi nous sommes posé la question : « Avons-nous devant nous 20 ans de garantie de neige pour amortir de si lourdes dépenses ? »

La réponse des spécialistes fut la suivante : les études menées par Météo France et l’Inrae via le modèle Climsnow mettent en évidence une remise en question de la viabilité économique du ski dès 2030. À Métabief, à 1.000 mètres, la température moyenne de l’hiver est devenue positive au début des années 2000 et depuis, le réchauffement s’est accéléré avec une augmentation de +1,5 degré en 20 ans, ce phénomène a fait grimper la limite pluie/neige de 200 mètres.


(Crédit : JDP)

À l’horizon 2040, la production de neige de culture serait la seule garantie pour la pratique du ski alpin, sur des secteurs au-dessus de 1.100 à 1.200 mètres, à l’abri des vents chauds. En 2050, la viabilité de cette discipline est estimée à zéro. Face à cette échéance, le SMMO, soutenu par le département du Doubs et le territoire du Haut-Doubs, a pris la décision d’engager la transition de son modèle de « station de ski » vers une « station de montagne ».

« Compte-tenu que l’activité touristique du Haut-Doubs est portée à 50 % par la station de Métabief (dont 90 % est directement liée à la pratique du ski alpin), nous avons opté pour un changement en douceur. En 2019, nous avons mis en place une ingénierie de transition, financée en partie par la taxe sur les remontées mécaniques, afin de faire émerger des projets en embarquant tous les parties prenantes (élus, techniciens, scientifiques, chasseurs, agriculteurs, associations écologiques...) et la population pour tendre vers une communauté apprenante flexible face aux changements qui s’imposent à nous. Dans un premier temps, notre volonté sera de profiter du ski tant que possible en ayant recours à des méthodes innovantes et de haute qualité de maintenance des remontées mécaniques imaginées spécialement à Métabief afin de repousser leur obsolescence », précise l’élu.

Ainsi, 7,4 millions d’euros sont engagés sur la période 2021-2027 pour le maintien du ski alpin pour les travaux de maintenance des équipements et la rénovation du Télésiège de Troupézy. En parallèle, de nouvelles activités seront déployées sur l’ensemble du territoire.

« Nos équipes ont à cœur d’imaginer la destination toutes saisons de demain et de la rendre réelle. Ainsi, 12,6 millions d’euros sont engagés sur la période 2022-2025 dans la mue en station de montagne. Par ailleurs, il nous faut développer l’outdoor (VTT, trail, marche nordique) sur l’ensemble du massif, changer de périmètre et dépolariser l’activité économique de la station vers le reste du territoire. Nous allons également réfléchir à la manière dont le patrimoine naturel et culturel peut être valorisé, de façon à décider des investissements publics dans les années à venir et inciter des opérateurs privés à investir dans le territoire ».