Dessertes ferroviaires : les élus francs-comtois unis pour ne pas rester sur le quai de la gare
Transport. Début janvier, les élus des six territoires du Pôle métropolitain Centre Franche-Comté étaient réunis à Besançon pour rappeler à l’ordre l’État quant à son déficit d’investissement dans le ferroviaire comtois
Infrastructures dégradées, trains supprimés, liaisons incomplètes, fermetures de gares... « Si rien ne change, on va vers une paupérisation du service ferroviaire », a lancé Alain Chrétien, président de la Communauté d’agglomération de Vesoul et maire de la ville, lors d’une conférence de presse exceptionnelle réunissant à Besançon les édiles des villes de Pontarlier, Vesoul, Dole, Morteau et Lons-le-Saunier et bien-sûr de Besançon.
Représentant le Pôle métropolitain Centre Franche-Comté (PMCFC), un bassin économique de 750.000 habitants, ces élus ont souhaité tirer la sonnette d’alarme et rappeler à leur responsabilité l’État (Conseil d’orientation des infrastructures, préfet de Région), la SNCF et la région Bourgogne Franche-Comté, seule région française avec PACA et Mayotte à n’avoir pas signé un « new deal » ferroviaire doté de 100 millions d’euros entre 2023 et 2033 pour moderniser l’offre française de trains.
« L’État et la région, comme l’Union européenne, ont fixé des objectifs ambitieux afin de relever les défis climatiques, énergétiques et environnementaux. Ils les ont traduits de manière particulièrement forte dans les politiques de transports et mobilités. La loi Climat et résilience vise ainsi une augmentation de la part du transport ferroviaire de voyageurs à hauteur de 17 % d’ici 2030 et à 42 % en 2050. La SNCF a répondu à ces ambitions en annonçant un objectif de doublement du trafic ferroviaire de voyageurs dans les années 2030 », rappelle les membres du PMCFC. Or, dans les faits, la Franche-Comté semble la grande oubliée de cette mobilisation.
« Pourtant, elle produit 19 % des emplois industriels français. Un tissu industriel diffus mais qui s’est montré efficace et agile lors des diverses crises qui se sont succédées depuis 2008. Celui-ci a besoin de liaisons fortes avec l’international, que ce soit au niveau mondial ou européen, mais aussi en interne », argue Anne Vignot, présidente de Grand Besançon Métropole et maire de la ville tout en évoquant la promesse d’Emmanuel Macron de réindustrialisation du pays : « On ne peut pas parler de réindustrialisation et d’attractivité territoriale sans proposer de mobilité digne de ce nom ».
La Franche-Comté et l’arc jurassien franco-suisse représentent une part importante des flux socio-économiques de la Bourgogne Franche-Comté et donc un fort potentiel de besoins et d’usages. Bordé de métropoles internationales qui produisent à son encontre des effets de contournement, il s’avère sous-estimé dans les projets ferroviaires nationaux.
Lignes menacées et importance du transfrontalier
Pourtant l’urgence est là et un bon nombre de signaux sont à l’orange voire au rouge affirment les élus qui ont ainsi exprimé leurs attentes vis à vis des lignes qui les concernent. Sur l’axe nord-sud Strasbourg-Lyon passant par Besançon et Lons-le-Saunier, l’enjeu de desserte ferroviaire concerne la réouverture de la liaison TGV Strasbourg-Marseille.
« Dans l’attente, le Train d’équilibre du territoire (TET) constitue une alternative qui fait l’objet d’une convention État-SNCF. Il semble cependant, pour l’heure, qu’aucune nouvelle convention n’ait été établie pour prendre le relais de celle courant de 2016 à 2020 », expliquent Claude Borcard, président de Lons Agglomération et Jean-Yves Ravier, maire de Lons-le-Saunier, venus ensemble défendre le retour de ce TGV ainsi que le maintien de la ligne du Revermont entre Besançon et Bourg. « Nous avons investi plusieurs millions d’euros dans la modernisation de la gare de Lons-le-Saunier et la réalisation du pôle d’échanges multimodal. À quoi cela va servir s’il n’y a plus un train qui s’y arrête ? ».
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De même, en l’absence de soutien financier sur les liaisons ferroviaires transfrontalières c’est toute l’économie du Haut-Doubs et ses 42.000 travailleurs frontaliers qui sont menacés. « Du côté français comme du côté suisse des investissements sont nécessaires pour assurer la pérennité des lignes. S’ils ne sont pas réalisés, le risque est réel de voir le TGV Lyria relier Lausanne à Paris avec un seul arrêt à Dijon, oubliant Frasne et même Dole », prévient Patrick Genre, maire de Pontarlier. Sur la ligne des Horlogers, l’enjeu est d’assurer la deuxième phase de travaux en 2024, d’améliorer la capacité du matériel roulant et, en termes de service, d’adapter les horaires aux besoins et d’informer.
Sur l’axe est-ouest qui structure la partie nord de la Franche-Comté, la Ligne Paris-Mulhouse via Vesoul et Belfort constitue un enjeu majeur. « La liaison Mulhouse-Lille devient de plus en plus compliquée à établir. La ligne a été suspendue sous couvert de covid-19, mais cet arrêt perdure aujourd’hui avec Roissy mais aussi avec tout le nord de l’Europe et l’Est de la France », appuie Anne Vignot. Le retour à un Paris-Bâle au-delà du Paris-Mulhouse serait un gain, ajouté à l’enjeu de la relation avec le Belfort-Delle-Suisse vers Bienne et avec l’aéroport de Bâle-Mulhouse.
Alain Chrétien déplore la complexité du réseau entre les régions, ainsi qu’un manque de coordination entre la Bourgogne-Franche Comté et Grand Est. Il souhaiterait que des investissements soient réalisés pour que des « trains intercités à vocation nationale » circulent sur la ligne. Sur l’axe nord, la résorption de « l’effet de rupture » France/Suisse est la clé du problème, une plus grande continuité des circulations doit être assurée à Delle et au niveau de Belfort dans la liaison vers Paris.
Halte ferroviaire aux Hauts de Chazal
L’axe Belfort-Besançon-Dole-Dijon est structurant pour l’ensemble des territoires du Pôle métropolitain. Le territoire du Grand Besançon y assure un rôle pivot avec des équipements métropolitains à vocation régionale, notamment situés sur le site du Pôle santé des Hauts de Chazal. « Un enjeu majeur porte sur la construction d’une halte ferroviaire permettant d’optimiser son accessibilité depuis nombre de territoires de Franche-Comté. En effet, sa mise en service favoriserait l’accès au CHRU et aux équipements structurants de santé en Franche-Comté (GHT Centre Franche-Comté avec Dole et le Haut-Doubs, mais également des liens avec Vesoul, Lons-le-Saunier et le Nord Franche-Comté). Au-delà, l’ensemble de la Ligne Dijon-Belfort est à prendre en considération dans le développement ferroviaire, y compris dans la desserte de Dole et sa relation avec Paris », précise les représentants du PMCFC.
« Des interpellations générales pourraient s’ajouter aux problématiques soulevées sur les liaisons ferroviaires du Centre Franche-Comté, telles que le développement des trains de nuit, inscrits dans la longue distance, ou la prise en compte d’opérateurs privés tels que Railcoop ou Trenitalia. Il importe cependant de fixer le cap dans une perspective globale en vue d’un rééquilibrage dans le développement ferroviaire entre la partie franc-comtoise de la grande région et la partie bourguignonne. Car l’État, avec SNCF Réseau, tend à se désengager et à sous-investir dans le réseau ferroviaire de Franche-Comté, alors qu’avec la région il s’implique fortement en Bourgogne, tant sur la voie ferrée Centre-Europe-Atlantique, notamment le tronçon Chagny-Nevers, que dans le projet hydrogène Laroche-Migennes-Auxerre ».
Prochaine étape : les élus du Pôle Métropolitain devraient rencontrer le ministre des Transports, Clément Beaune, d’ici à la fin du mois.