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L’UBFC a-t-elle encore un avenir ?

Universités. Le jeudi 1er septembre par voie de presse, l’université de Bourgogne actait son retrait de la Communauté d’universités et établissements (COMUE) - Université de Bourgogne Franche-Comté (UBFC).

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L'UBFC a-t-elle encore un avenir ?
(Crédit : JDP)

Créée le 1er avril 2015, l’UBFC regroupait alors sept établissements d’enseignement supérieur et de recherche de Bourgogne Franche-Comté : l’Université de Bougogne (uB), l’Université de Franche-Comté (UFC), l’Université de technologie Belfort-Montbéliard (UTBM), l’École nationale supérieur de mécanique et des microtechnique (Ensmm), l’institut Agro Dijon, la Burgundy school of business (BSB) et l’École nationale supérieur d’Arts et Métiers (Ensam). Les enjeux étaient de créer une organisation globale visible et lisible de l’enseignement supérieur et de la recherche en Bourgogne Franche-Comté, d’intensifier l’excellence et l’internationalisation de la recherche, de développer l’attractivité pour les étudiants, les chercheurs, les enseignants-chercheurs et de permettre la réussite de l’ensemble des étudiants.

« Le projet stratégique d’UBFC est celui d’une université fédérale, respectant la souveraineté de ses membres, avec la vocation de construire des projets collectifs, rappelle, Dominique Grevey, président de l’UBFC. Parmi ces projets figurent les programmes d’investissement d’avenir (PIA) tels que le projet Initiatives sciences innovation territoires économie Bourgogne Franche-Comté (I-Site BFC), le projet Nouveau cursus à l’université (NCU) ainsi qu’une École universitaire de recherche (EUR) également appelée Graduate School. Pour mener à bien ces projets, les compétences de l’ensemble de la communauté sont mises en commun, permettant ainsi de faire de la diversité présente au sein d’UBFC une force au profit de l’intérêt général  ».

« Nous devons travailler sur le projet, la trajectoire. Sans l’uB nous perdons en force, il faut pouvoir conserver le dialogue, construire ensemble. »

Basée sur le rapprochement des deux universités de Bourgogne et de Franche-Comté, la constitution de la Comue-UBFC s’est depuis le début avérée complexe. « En 2016, lorsque nous avons été lauréat du projet I-Site, cela sous entendait implicitement que nos deux universités devaient s’engager dans une démarche de fusion à plus ou moins court terme, explique Dominique Grevey. Nous avons gagné ce label d’excellence sans que les principaux établissements de la Comue y croient. Ainsi, pour certains, en remportant I-Site, cela entrainait de fait leur établissement dans une direction qu’ils ne souhaitaient pas prendre  : celle de la fusion  ».

La perte d’I-Site met le feu aux poudres

En 2021, la distinction n’est pas renouvelée pour UBFC. « Si le jury international a tenu à souligner les progrès réalisés dans notre construction, l’impact n’a pas été jugé suffisant pour maintenir le label  », précise Dominique Grevey. Cela représentait une perte de 8,5 millions d’euros pour la Comue. L’institution a alors tenté collectivement de trouver le chemin d’un rebond nécessaire. « Avec la perte d’I-Site, les questionnements sur la gouvernance de la Comue sont revenus sur la table et notamment l’idée avancée par l’uB de mettre en place un double siège social à Besançon et à Dijon. Pour rester unis, nous avons porté auprès des pouvoirs publics cette volonté dijonnaise, qui bien que non interdite par les textes, n’avait que peu de chance de trouver écho auprès des tutelles étatiques », affirme le président de la Comue.

La réponse du gouvernement est tombée comme un couperet : le double-siège n’étant tout simplement juridiquement pas possible. Dès cette annonce, l’uB a signifiée mettre fin à sa participation à la Comue UBFC, en tant que membre, à l’issue du contrat de site en cours. « Ce n’est pas une scission avec la Franche-Comté, a voulu de suite rassurer Vincent Thomas, président de l’uB. Nous avons pris la décision de quitter un cadre institutionnel, qui est celui de la Comue. Il ne s’agit en aucun cas de mettre fin à nos collaborations avec l’ensemble des laboratoires, des chercheurs et des enseignants des autres établissements de la région Bourgogne Franche-Comté. Dans la perspective du prochain contrat de site qui débutera en 2024, l’université de Bourgogne s’attèlera à tracer une nouvelle trajectoire au service d’une ambition : celle de poursuivre son engagement pour le développement, le rayonnement et l’attractivité du site Bourgogne Franche-Comté, avec tous les acteurs de l’enseignement supérieur et de la recherche qui le souhaiteront. Je l’ai réaffirmé en réunion plénière, y compris devant les organismes nationaux de recherche tels que l’Inrae, le CNRS et l’Inserm, mais également en Conseil des membres de la Comue, leur réitérant ma volonté de travailler ensemble  ».


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Vincent Thomas, dénonce le modèle de Comue qui selon lui renforcerait un déséquilibre territorial à l’échelle de la grande région en « concentrant notamment l’essentiel des services sur Besançon alors que de très nombreux besoins ne sont pas satisfaits, non seulement sur Dijon, mais également sur l’arc ouest bourguignon (Auxerre, Nevers, Chalon-sur-Saône, le Creusot, Mâcon). Notre décision manifeste une volonté de ne plus s’inscrire dans un cadre institutionnel donné, en revanche, nous demeurons des acteurs forts de l’enseignement supérieur et de la recherche au plan régional et je vais d’ailleurs avoir bientôt un échange avec la présidente de région pour évoquer les suites et pour manifester mon attachement non seulement à la Bourgogne Franche-Comté mais également notre volonté de participer activement au développement et à la dynamique régionale en matière de formation et de recherche, dans une perspective de rayonnement et d’attractivité international ».

Changer de nom est indispensable

Pour Dominique Grevey, cette guerre de tutelle menace non seulement l’existence même de la Comue mais également l’avenir de tout l’écosystème d’enseignement et de recherche régional. « Il faut bien garder à l’esprit que séparé nous ne comptons plus. Si nous avons obtenu 130 millions de projets liés au Programme investissements d’avenir (PIA) c’est bien parce que c’est l’UBFC qui portait ces dossiers. Aujourd’hui, avec le désengagement de l’uB, le financement de ces projets risque fort d’être questionné à nouveau par l’État. Ces projets sont éminemment structurants, leur perte pourrait gravement enrayer le dynamique scientifique de notre région. Il a urgence à rediscuter du projet Comue hors du label I-Site, inventer une Comue 2.0, se concentrer sur la valeur ajoutée qu’il y a à travailler ensemble, notamment pour éviter un éventuel effet boule de neige lié à la décision dijonnaise. »

« Le premier acte qui semble indispensable c’est de changer de nom. Il faut s’affranchir de notre histoire compliquée, retrouver une capacité à travailler ensemble, redonner une image positive de notre engagement. Maintenant on peut poser la question de savoir si la Comue est la meilleure voie de développement. Objectivement, elle constitue l’intermédiaire idéale entre la Convention de coordination territoriale (CCT) et les Établissements publics expérimentaux (EPE) qui, de fait, nécessitent une fusion des universités. Si la constitution d’un EPE semble actuellement une voie inenvisageable, une CCT est, à mon sens, la pire des solutions car nous ne serions plus un site qui compte à l’échelle nationale. »

« Nous devons travailler sur le projet, la trajectoire. Sans l’uB nous perdons en force, il faut pouvoir conserver le dialogue, construire ensemble. Ce raccrocher aux anciens axes de développement stratégique d’I-Site : ”Matériaux avancés, ondes et systèmes intelligents”, “Territoires, environnement, aliments”, “Soins individualisés et intégrés” et “Transfert et circulation”, afin de créer un mouvement de fond qui pourrait intégrer les établissements de santé par exemple... », propose le président de la Comue qui insiste également sur l’impact en matière de ressources humaines de la possible disparition de la Comue : « Le personnel de l’UBFC c’est 90 personnes, cela ne peut en aucun cas être une variable d’ajustement ».