La Bourgogne-Franche-Comté, trop pauvre pour être écolo ?
Environnement. L’Observatoire de la transition socioécologique a mené une étude depuis deux ans pour appréhender les politiques de transition parmi les populations les plus précaires.
Comment allier précarité et transition écologique, c’est la question à laquelle une étude menée depuis deux ans en Bourgogne-Franche-Comté par l’Observatoire de la transition socioécologique (OTSE) a tenté de répondre dans le cadre du Festival des solutions écologiques. D’entrée, Cyril Masselot enseignant-chercheur de l’université de Bourgogne, directeur adjoint du laboratoire CIMEOS (Infocom) a tenu à relativiser : « Ces résultats récoltés entre 2020 et 2022 ne prennent pas en compte les récentes difficultés liées à la guerre en Ukraine ».
Quoiqu’il en soit, même avant l’aggravation de la situation politique, économique et énergétique, les premières observations mettent à mal un élément capital de base : « L’INSEE nous annonce une précarité de 12% en BFC. Dans notre étude elle s’élève à 34% et représente des populations qui sont en permanence au bord du gouffre ». En parallèle de ce chiffre, 40% des personnes interrogées révèlent se trouver dans une situation financière difficile voire très difficile.
Repenser les politiques publiques
Mais il y a une bonne nouvelle : l’environnement se place en troisième et quatrième position (17%) des préoccupations, juste après l’emploi (52%) et la santé (20%) : « Cela démontre que les campagnes menées pour sensibiliser à l’environnement ont fonctionné. Et sans aucun doute la situation en Ukraine a encore renforcé ces chiffres ». Preuve en est, invitée à répondre également en direct, la centaine de personnes présente a clairement placé l’énergie en tête de ses préoccupations, suivi par la pollution de l’eau et la préservation de la faune et la flore. Sur ce sujet, plusieurs intervenants ont dénoncé la politique de la Ville de Dijon qualifiée de « bétonisation à tout va qui prive les populations des espaces pour la transition écologique ».
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En revanche, l’étude de l’OTSE révèle que la gestion des déchets ménagers n’intéresse que 10% des ménages. Se pose donc la question de son coût d’ailleurs épinglés par la Cour des Comptes qui qualifie la gestion de « coûteuse, défaillante et peu lisible » dans son rapport de septembre 2022. Enfin, l’impact du numérique, pourtant prioritaire en ces temps de télétravail semble être un non-sujet alors que, rappelle Cyril Masselot : « On utilise autant d’énergie pour envoyer un mail que pour réchauffer une tasse de thé ». Enfin, côté transports, une majorité des habitants de BFC demande plus de transports en commun et une politique plus importante du vélo avec la création d’infrastructures.
Quelles solutions ?
L’étude révèle que la majorité des sondés est pour une politique d’interdiction. Mais, relativise Cyril Masselot : « Les aides incitatives profitent avant tout à ceux qui peuvent emprunter ». Dans ce contexte donc, la transition environnementale est inefficace sur les plus précaires parce que « les éco-gestes coûtent de l’argent et que leur priorité est économique ». Et devant l’urgence des situations, l’injonction permanente à « changer de comportement », par la privation, dans tous les domaines de la vie, risque d’écarter de la transition écologique une tranche importante de la population submergée par l’ampleur de la tâche. Une bascule qui constituerait alors un changement important et dangereux dans la gestion des politiques publiques et poserait une autre question : la transition écologique doit-elle avancer coûte que coûte et accepter l’abandon des populations les plus fragiles dans les politiques publiques ?