Collectivités

La Comue se redéfinit en version expérimentale

Recherche. Face à la suspension des crédits liés au Plan d’investissements d’avenir (PIA) actée par l’État suite au départ de l’université de Bourgogne de la Comue UBFC, cette dernière se réinvente pour gagner en cohérence et tenter de retrouver les faveurs du gouvernement.

Lecture 8 min
La Comue se redéfinit en version expérimentale
(Photo : archive JDP)

Lors d’une interview donnée au Journal du Palais fin septembre, Dominique Grevey, président de la Communauté d’universités et établissements (Comue) UBFC, avait prévenu des risques encourus par la décision unilatérale de l’université de Bourgogne (uB), prise le 1er septembre, de quitter cette instance de gouvernance commune, suivi de près par l’école de commerce dijonnaise BSB. « Il faut bien garder à l’esprit que séparé nous ne comptons plus. Si nous avons obtenu 130 millions de projets liés au Programme investissements d’avenir (PIA) c’est bien parce que c’est l’UBFC qui portait ces dossiers. Aujourd’hui, avec le désengagement de l’uB, le financement de ces projets risque fort d’être questionné à nouveau par l’État. Ces projets sont éminemment structurants, leur perte pourrait gravement enrayer le dynamique scientifique de notre région. Il a urgence à rediscuter du projet Comue hors du label I-Site, inventer une Comue 2.0, se concentrer sur la valeur ajoutée qu’il y a à travailler ensemble, notamment pour éviter un éventuel effet boule de neige lié à la décision dijonnaise », avait alors déclaré le président.

Un courrier daté du 27 octobre émanant du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche et du Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) allait lui donner raison actant que la position de l’uB entraînait la suspension « avec effet immédiat » des versements prévus aux titres du PIA et de France 2030 : soit une perte de quelque 60 millions d’euros lié à 14 projets de recherche en BFC. Parmi ceux-ci, il y a notamment le projet Harmi coordonné par Laurent Philippot, laurier 2021 du défi scientifique, microbiologiste et directeur de recherche Inrae au sein du laboratoire Agroécologie, dont l’objectif est de permettre de mieux comprendre les microbes et leurs interactions avec d’autres organismes vivants et de mieux les utiliser pour faire face aux problématiques mondiales actuelles.

« Cet ambitieux projet, l’un des 15 lauréats de l’appel à projets national ExcellencES, se voit aujourd’hui stoppé par la volonté de l’uB de faire cavalier seule. Et au-delà des14 millions de budget apportés par le PIA, c’est une aventure humaine rassemblant 250 chercheurs en Bourgogne Franche-Comté en microbiologie environnementale qui s’arrête au milieu du gué », déplore François Roche-Bruyn, directeur de l’Institut Agro Dijon, partenaire du projet Harmi.

Rebondir pour retrouver la confiance gouvernementale

Pour Dominique Grevey, ce nouveau coup dur porté à la Comue, va bien au-delà d’une simple perte de moyen financier : « C’est au niveau de notre image, de notre visibilité, de notre crédibilité au plan national et international que les dégâts peuvent être les plus importants. C’est un peu comme si nous passions de la ligue 1 à la quatrième division pour prendre une métaphore footballistique. Maintenant, il convient de travailler à dépasser cette crise de confiance pour reprendre le chemin d’une construction collective de l’Enseignement supérieur et de la recherche (ESR) en Bourgogne Franche-Comté ». Pour passer ce Rubicon, les membres restants de la Comue que sont l’Université de Franche-Comté (UFC), l’Université de technologie Belfort-Montbéliard (UTBM), Supmicrotech, l’institut Agro Dijon et le campus Arts et Métiers de Cluny ont décidé de revoir leur copie afin de proposer une alternative capable de rassurer l’État en vue de récupérer les PIA.


>LIRE AUSSI : L’UBFC a-t-elle encore un avenir ?


« L’idée est de se remettre en question pour pouvoir rebondir », avance Michel Jauzein, directeur du campus Arts et Métiers de Cluny qui bien que présent sur le territoire bourguignon n’a pas choisi de rejoindre le projet d’établissement public expérimental (EPE) de l’uB, préférant s’inscrire dans « une dynamique soutenue par la région et l’État » et ne pas « rester dans une vision infrarégionale ». « Les succès remportés par les équipes de terrain depuis plus d’une décennie nous obligent, défend Macha Woronoff, présidente de l’université de Franche-Comté. Nous devons donc pérenniser nos acquis et créer les conditions de nouveaux succès en élaborant un projet de coordination et d’animation scientifique de l’ESR régional ambitieux et robuste. Cela passe par la mise en place d’une Comue expérimentale qui associe de nouveaux partenaires comme les établissements de santé par exemple. L’Établissement français du sang doit ainsi nous rejoindre prochainement ».

Une porte toujours ouverte pour l’uB

« Trois axes de développement guident notre démarche, précise Pascal Vairac, directeur de Supmicrotech : l’excellence de la recherche, les conditions d’un environnement stimulant et attractif à l’international, via notamment des Graduate School, un site universitaire ancré et acteur de son territoire. Ces grandes orientations s’exprimeront par la conduite d’une coopération scientifique interdisciplinaire fondée sur une déclinaison en quatre domaines de recherche, issus des anciens axes de développement stratégique du programme I-Site, et dont la pertinence avait été reconnue par l’État : « matériaux avancés, ondes et systèmes intelligents » ; « territoires, environnement, aliments » ; « soins individualisés et intégrés » et « transferts et circulations ». Côté gouvernance, le point noir pointé par le gouvernement, la Comue expérimentale se dotera d’un dispositif plus simple et plus pertinent avec un conseil d’administration resserré et émanant des membres des établissements et d’un directoire composé des responsables des établissements et des principaux projets structurants ainsi que du vice-président de la Comue expérimentale. Par ailleurs, les fonctions supports seront assumées plus fortement par les établissements membres pour laisser à la Comue plus de latitude sur les enjeux scientifiques ». « La nouvelle étape qui s’ouvre pour l’ESR BFC porte une ambition forte pour les étudiants, le territoire, les acteurs de la recherche, de l’innovation et du développement économique », affirme Dominique Grevey.

Fort de cet état d’esprit, la Comue expérimentale qui prendra forme d’ici à la fin de l’année, sous un nom qui reste à déterminer, ne ferme pas sa porte à l’uB et à son EPE. « Si de chaque côté il y a un attendu, il y a aura des possibilités de rencontre. Il ne s’agit pas de deux projets voués à s’opposer. La Comue expérimentale porte en elle cette volonté d’ouverture avec l’espoir qu’elle ne soit qu’une étape transitoire vers la réunification future des forces régionales de l’ensemble de établissements de l’enseignement supérieur et de la recherche de BFC », appuie Dominique Grevey.