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Seulement 26 % des rivières sont en bon état écologique en Bourgogne Franche-Comté

Environnement. L’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse présentait à Besançon lundi 21 novembre son rapport 2022 de l’évolution des cours d’eau, des nappes et des bassins en région et ses actions pour améliorer l’état de ces milieux naturels.

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Seulement 26 % des rivières sont en bon état écologique en Bourgogne Franche-Comté
(Crédit photo : Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse.)

Le dernier rapport sur l’état des eaux régionales publié par l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse s’appuie sur 5,5 millions d’analyses de surveillance annuelle des cours d’eau, nappes et plans d’eau des bassins Rhône-Méditerranée et de Corse. « Ce nombre a considérablement augmenté. Pour preuve en 1990 nous ne procédions qu’à 18.000 analyses. De même, aujourd’hui nous mesurons 1.037 paramètres différents contre seulement 25 en 1990 », précise Laurent Roy, directeur général de l’Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse. De ces données scientifiques, il en résulte que sur le secteur de la Bourgogne Franche-Comté et une partie de la région Grand Est (20 % des Vosges et 20 % de la Haute-Marne), seulement 26 % des rivières sont en bon état écologique, tandis que 83 % des nappes souterraines affichent un bon état chimique.

« Il faut toutefois noter que la qualité des eaux s’est améliorée en 30 ans grâce notamment à la baisse notable des pollutions organiques. Les concentrations en ammonium ont ainsi été divisées par 20 en 30 ans, après la construction de stations d’épuration plus performantes. Les développements d’algues qui étouffent la vie dans les rivières ont fortement régressé grâce à l’interdiction des phosphates dans les détergents ménagers... Concernant les micropolluants, le niveau de concentration en métaux dans les rivières a été divisé par six en 15 ans. C’est le résultat notamment d’opérations collectives mobilisant les collectivités et le tissu industriel, afin de mieux traiter les eaux usées avant leur rejet », développe Laurent Roy.


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Mais malgré cette nette amélioration de la qualité des eaux, plus de 70 % des cours d’eau des bassins Rhône-Méditerranée et de Corse sont concernés par des pressions dues aux activités humaines qui menacent l’atteinte du bon état écologique des eaux à l’horizon 2027 comme l’exige la directive cadre européenne sur l’eau, et qui pourraient entrainer une dégradation de la situation si rien n’est fait, a fortiori sous l’effet du changement climatique. « La situation climatique de cette année 2022 souligne l’importance de renforcer encore nos efforts dans la reconquête du bon état des eaux, notamment pour permettre aux milieux aquatiques de continuer à fournir des services durables aux activités humaines et de lutter efficacement contre les pollutions, les sécheresses et les inondations », appuie le directeur général.

Plus de 50 % des substances toxiques dans les rivières sont des pesticides

En 2021, sur les 1.037 paramètres analysés dans les cours d’eau des bassins de Rhône-Méditerranée et de Corse, plus de 500 substances toxiques ont été détectées : médicaments, substances utilisées comme plastifiants (revêtements de sols, emballages alimentaires…), produits cosmétiques, détergents ou encore pesticides, qui représentent à eux seuls plus de la moitié des substances identifiées, le glyphosate et son métabolite l’AMPA arrivant en tête. Concernant les eaux souterraines de Bourgogne Franche-Comté, 83 % des nappes sont en bon état chimique mais les pesticides peuvent constituer une menace pour l’alimentation en eau potable. Aujourd’hui, près de 20 ans après leur interdiction, les triazines et leurs produits de dégradation sont encore présents dans certaines eaux souterraines, parfois à des concentrations supérieures aux normes exigées pour l’alimentation en eau potable. Le renouvellement des eaux souterraines étant un processus long, ces substances vont encore dégrader la ressource durant de nombreuses années.

« Il est toutefois possible d’agir, défend François Rollin, directeur de la délégation de Besançon de l’Agence de l’eau. Parmi les exemples d’actions réussies pour préserver les nappes d’eau souterraines, l’aire d’alimentation de la source karstique du Mont Freillon, à Moiron dans le Jura, utilisée pour l’alimentation en eau potable, a fait l’objet d’un changement de pratiques agricoles à l’échelle des 52 hectares de la zone, avec une remise en herbe de toutes les parcelles agricoles. Contrairement aux cultures ce type de couvert végétal ne nécessite aucun ajout de produit phytosanitaire. Depuis 2018, il n’y a quasiment plus de contamination par les pesticides et les molécules qui posaient problème (glyphosate et Ampa) ne sont plus détectées ». « Sur la question des pesticides, on note un élément encourageant : la tendance observée sur deux à trois ans de la baisse des ventes de pesticides et notamment des plus toxiques, ainsi qu’une augmentation de l’achat de produits phytosanitaires autorisés en agriculture biologique », affirme Laurent Roy.

Des rivières trop artificialisées

Aux évènements climatiques qui peuvent, comme cet été 2022, réduire les débits des cours d’eau, s’ajoutent les modifications du régime hydrologique liées aux activités humaines. Ainsi, en Bourgogne Franche-Comté, 19 % des rivières sont perturbées par des prélèvements d’eau excessifs. Les faibles débits des rivières font grimper la température de l’eau, réduisent la dilution des polluants et modifient la forme des cours d’eau, la vitesse de courant et la profondeur d’eau, ce qui fragilise les communautés aquatiques et, dans les cas les plus graves, peut occasionner la disparition d’espèces. La capacité de résistance des milieux aquatiques, en particulier aux pollutions, peut ainsi être fortement mise à mal par une baisse durable des débits des cours d’eau.

« Il est toutefois possible d’agir pour limiter les impacts du changement climatique. Préserver et restaurer les zones humides, désimperméabiliser les sols et économiser l’eau (traquer les fuites dans les réseaux, recycler l’eau en site industriel et agricole...) sont trois leviers pour retenir l’eau dans les territoires », avance Laurent Roy. En 2022, en Bourgogne Franche-Comté, 800.000 mètres cubes d’eau ont été nouvellement économisés et quatre hectares de sols ont été désimperméabilisés (opération sur des cours d’école à Besançon).

« L’enjeu, aujourd’hui, est de redonner un fonctionnement naturel aux rivières, leur laisser de l’espace, ralentir les écoulements, actions qui sont autant d’atouts pour réduire également les risques liés aux crues. »

Par ailleurs, la morphologie des rivières régionales est artificialisée pour 81 % d’entre elles. Ces altérations dues aux recalibrages, endiguements des cours d’eau, au bétonnage, à l’enrochement des berges ou au déboisement des rives modifient et détruisent les habitats nécessaires aux espèces aquatiques. « L’enjeu, aujourd’hui, est de redonner un fonctionnement naturel aux rivières, leur laisser de l’espace, ralentir les écoulements, actions qui sont autant d’atouts pour réduire également les risques liés aux crues. En 2021, plus de 12 kilomètres de rivières et 18 kilomètres en 2022 ont été restaurés en Bourgogne Franche-Comté, rappelle François Rollin. Quant au cloisonnement des milieux aquatiques par les seuils et barrages, il porte atteinte à la circulation des poissons et au transport des sédiments. »

« En Bourgogne Franche-Comté, ce sont 53 % des rivières qui sont victimes de ces aménagements. Le rétablissement de la continuité écologique est une priorité pour atteindre le bon état des eaux. Nous avons par exemple agi sur le ruisseau de Mansevillers, affluent de l’Ognon, cœur de la zone dites des « mille étangs » avec la Fédération de pêche de Haute-Saône pour supprimer quatre seuils qui empêchaient la circulation des poissons et des sédiments. En plus du rétablissement de la continuité écologique, les suivis de la température de l’eau montrent des résultats probants avec un retour à des températures d’eau plus fraîches propices au développement de la truite fario, de l’ombre commun, de la lamproie de Planer et des écrevisses à pieds blancs ». En 2021 et 2022, en Bourgogne Franche-Comté, l’agence de l’eau a ainsi financé des travaux respectivement sur sept et 16 ouvrages afin de les rendre franchissables par les poissons ainsi que pour la circulation des sédiments, dont le flux a été divisé par sept en 30 ans.