Entreprises

Décarboner les véhicules en circulation pour faire chuter dès aujourd’hui les émissions de CO2

Solution. Promotion 2022 des lauréats du Réseau Entreprendre Franche-Comté, AlphaGreen Développement propose une technologie pour dépolluer et décarboner les moteurs par injection d’hydrogène, sans aucun produit chimique. Objectif : rendre possible l’émergence dès aujourd’hui d’une mobilité verte et durable.

Lecture 8 min
Photo de Ludovic Chevenement
Ludovic Chevenement. (Crédit : JDP).

« Pourquoi se reposer uniquement sur des solutions qui ne seront pleinement viables que dans 30 ans au lieu de chercher également à améliorer l’existant ? » C’est sur cette réflexion pleine de bon sens que Ludovic Chevenement a bâti son aventure entrepreneuriale.

Après un Bac professionnel en maintenance automobile effectué au Lycée Henry Fertet à Gray, suivi d’une formation de 14 mois en région lyonnaise au sein de la marque Peugeot, celui-ci occupe tour à tour les postes de technicien après-vente automobile, responsable d’atelier et technicien expert. Autant dire que les moteurs n’ont pour lui que peu de secrets.

« Je travaillais sur des modèles thermiques, mais j’avais également les accréditations pour l’hybride, l’électrique et l’hydrogène. Ces technologies imaginées pour résoudre la problématique du réchauffement climatique, dont certaines ne sont pas encore opérationnelles, soulèvent toutes plusieurs problématiques. Si, sur la route les véhicules qui en sont dotés ne rejettent plus de gaz à effet de serre, le bilan carbone de leur conception n’est aujourd’hui pas neutre. »

« Pire, une production visant à changer l’ensemble du parc automobile, poids lourds et utilitaires, compte-tenu des nombreux véhicules essence et diesel encore en circulation pourrait même faire planer le risque d’un pic de pollution supérieur aux attendus du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). »

« Sans compter qu’une telle opération prendra un certain nombre d’années que nous n’avons malheureusement plus. Le GIEC ne nous donne que jusqu’en 2025 pour inverser les choses ».

Ludovic Chevenement fait alors un autre constat : « Plus les moteurs sont vieux, plus ils sont confrontés à des problèmes d’encrassement et plus ils polluent et consomment du carburant. Or, si l’on nettoie de manière efficace ne serait-ce que 10 % de la flotte de véhicules roulants actuellement on aura un impact fort et immédiat sur les émissions de gaz à effet de serre ».

De cette conviction naît, en février 2020, la société bisontine AlphaGreen Développement. « Les résidus de combustion (la calamine) se déposent sur diverses parties du moteur et obstruent les conduits. Ils engendrent des pannes (injecteurs, vanne EGR, turbo…) et empêchent certaines pièces de remplir leur mission, comme le filtre à particules, avec un non-respect des normes anti-pollution à la clé. »

Dépollution moteur et motorisation verte

« Notre solution, brevetée dans une soixantaine de pays, optimise la technologie du nettoyage à l’hydrogène et à l’eau déminéralisée pour dépolluer ces moteurs, explique Ludovic Chevenement. Notre station de dépollution connectée et mobile permet d’intervenir en deux heures (en moyenne), directement sur site ou au sein des garages partenaires et offre une analyse fine des dépôts, un nettoyage précis, en profondeur, doublé d’une réinitialisation des paramètres du moteur. »

  • Photo d'une camionnette d'AlphaGreen Développement
    Camionnette d’AlphaGreen Développement (Crédit : JDP)
  • Photo d'une voiture d'AlphaGreen Développement
    Voiture d’AlphaGreen Développement (Crédit : JDP)

« Nous analysons les gaz d’échappement avant et après la procédure, afin de confirmer l’efficacité du nettoyage à l’hydrogène. Nous remettons un bilan récapitulatif et un certificat de dépollution à chaque client, afin qu’il puisse attester des nouvelles valeurs mesurées, mais également, obtenir le calcul de sa baisse de consommation et de la réduction de ses émissions de CO2, une donnée qu’il peut ensuite valoriser dans sa communication. »

« Pour les entreprises, les agriculteurs et les collectivités AlphaGreen constitue une vraie solution dans ce contexte inflationniste où ils sont de plus en plus nombreux à vouloir prolonger la durée de vie de leur parc de véhicules. »

« Pour eux, nous développons un programme sur trois ans d’accompagnement de transition énergétique, en externalisant la gestion d’émissions polluantes de leurs parcs moteurs chez AlphaGreen. Nous constituons ainsi une base de données mécaniques de chaque véhicule de la flotte, puis via un algorithme spécifique, nous sommes notamment en mesure de prioriser les interventions et anticiper les pannes. Nous enregistrons après traitement jusqu’à -73 % de pannes moteur et -76 % de pollution ainsi qu’une amélioration du rendement ».

Le groupe Roger Martin fait partie des premiers à avoir signé avec AlphaGreen et cela signifie le nettoyage de 600 engins de chantier, 300 poids lourds et 800 véhicules utilitaires ou particuliers. La start-up accompagnée dans ces débuts par le Propulseur à Temis et le Village by CA bisontin ne cache pas ses ambitions mondiales.


>LIRE AUSSI : Le mix énergétique mise sur l’agrivoltaïsme


« Que ce soient les véhicules légers ou lourd, professionnels ou particuliers (nous travaillons actuellement sur un partenariat avec le groupe JMJ Automobiles pour gérer les particuliers directement en concession), le ferroviaire qui fonctionne encore beaucoup au diesel ou le maritime... nos marchés sont multiples et sans frontière. »

« Beaucoup de pays ont déjà pris contact avec nous pour développer notre solution sur leur territoire. Ce que nous pourrons faire sous forme de franchise... Au niveau national, nous travaillons avec les métropoles sur les Zones à faible émission (ZFE) afin de créer une vignette « Crit’Air bis » qui permettrait d’assouplir le cadre législatif. »

« Aussi les véhicules Crit’Air 3 appartenant aux collectivités ou aux entreprises qui normalement ne devraient plus avoir le droit de circuler en ZFE pourraient obtenir une dérogation après avoir été nettoyés par nous, avec preuve à l’appui de la réalité de la dépollution », développe Ludovic Chevenement. »

Lauréat Bpi French Tech, l’entreprise qui a réalisé un chiffre d’affaires de 300.000 euros en 2022 et table sur deux millions d’euros pour 2023 voit ses effectifs croître de cinq à dix personnes par trimestre.

Elle va investir d’ici à deux ans dans un bâtiment abritant : un centre de formation (interne et externe), un atelier pour industrialiser la fabrication des stations mobiles de dépollution et un dernier espace consacré à la R&D, « avec pour objectif de concevoir, dans les prochaines années, des solutions capables de modifier la motorisation afin qu’elle devienne plus performante que celle des véhicules neufs, voire même créer de nouveaux moteurs, entièrement décarbonés ».