Exail : de l’idée de labo à l’acteur de rang mondial
Succès. La nouvelle entité baptisée Exail ambitionne de devenir un champion industriel des télécommunications, de la marine, de l’aéronautique, du spatial et de la défense.
Né officiellement en octobre 2022, le groupe Exail compte 1.500 employés à travers le monde et représente un chiffre d’affaires de 250 millions d’euros. Valorisé à près de 800 millions d’euros Exail affiche un carnet de commandes de plus de 620 millions d’euros. Fruit du rapprochement du groupe ECA, filiale du groupe Gorgé et d’IXblue ce nouvel acteur de premier plan mondial est un exemple plus que réussi d’essaimage universitaire. Cette success story a ainsi pour point de départ une conviction. Celle de trois hommes, trois chercheurs du CNRS et de l’université de Besançon et plus précisément du laboratoire d’optique de l’institut de recherche Franche-Comté électronique, mécanique, thermique et optique - sciences et technologies (Femto ST).
Pascal Mollier, Jérôme Hauden et Henri Porte vont décider, en septembre 2000, de s’associer pour donner naissance à la société Photoline Technologies, persuadés que les propriétés optiques du niobate de lithium, matériau sur lequel repose leur travail scientifique peuvent déboucher sur des applications industrielles et des marchés de niche, voire de rupture, prometteurs.
« Le niobate de lithium permet une modulation de la lumière à très haute vitesse, de l’ordre de la picoseconde. »
« L’utilisation la plus courante de cette modulation à ultra haute fréquence est la fibre optique, mais les applications sont multiples : la transmission radar à destination des aéroports ou de la défense, la robotique, les systèmes laser intenses utilisés en industrie pour la découpe, la soudure et le marquage, la réalisation de capteurs à base de fibre optique pour la surveillance des pipe-lines... La plupart de ces débouchés se situe dans des niches », explique Henri Porte, aujourd’hui directeur de la stratégie photonique du groupe avant un départ à la retraite imminent.
De plus, la modulation optique, si elle est mise en lien avec les bobines d’un capteur gyroscopique permet d’obtenir des gyromètres à fibre optique qui sont aujourd’hui les instruments de navigation inertielle les plus précis du marché. Ils sont capables de mesurer l’altitude et le déplacement dans l’espace d’un objet en s’affranchissant du système de localisation GPS. Une prouesse qui a de suite intéressé la défense, où en cas de conflit les GPS sont mis en panne, mais également le groupe IXblue, spécialisé dans le domaine de la navigation maritime (les GPS ne fonctionnant pas sous l’eau).
Et c’est avec cette même entité industrielle que l’entreprise franc-comtoise a fusionné en 2013. « IXblue était un client historique majeur, développe Henri Porte. Depuis la création de notre activité, nous leur fournissions des composants et des modulateurs pour leurs systèmes de navigation. Ce rapprochement nous a d’abord permis de garantir et de renforcer ce partenariat commercial. Mais, il nous a surtout ouvert de nouveaux marchés ainsi qu’un positionnement à l’international ».
Ainsi, outre la fabrication d’instrument de navigation inertielle, le groupe IXblue intègre, entre autres, une activité d’acoustique sous-marine à Brest et à La Ciotat, un chantier naval dédié à la fabrication de bateaux 100 % composite ou encore des services de cartographie des côtes et des fonds marins. Autre exemple, avec IX Fiber, département du groupe basé à Lannion où sont notamment conçus les câbles de fibre optique...
De l’art de la fusion
Consciente que pour devenir leader dans son domaine, elle devait miser sur un développement vertical, la PME bisontine avait déjà « usée » de la solution « fusion » cinq ans auparavant. La « mariée » avait alors pour nom : Adlightec, entreprise des Côtes d’Armor, spécialisée dans les circuits intégrés hyperfréquences. Un rapprochement qui donnait à celle qui s’appelait encore Photoline Technologies le savoir-faire en électronique nécessaire à la création de solutions complètes de modulateurs optiques clé en main. « Nous sommes un des seuls à offrir un produit aussi exhaustif ».
Fort de ce développement l’entreprise franc-comtoise, qui consacre 20 % de son chiffre d’affaires à la recherche et développement, quitte en 2015 les locaux de 1.100 mètres carrés de la zone industrielle bisontine de Trepillot-Les Tilleroyes, qu’elle occupait depuis sa création, pour s’installer au cœur du parc technologique des microtechniques Temis, dans un bâtiment neuf de 2.500 mètres carrés, avec 1.000 mètres carrés d’espace « propre », dont 400 mètres carrés réservés aux salles blanches.
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Aujourd’hui IXblue compte environ 650 personnes dont 300 ingénieurs et docteurs, réalise un chiffre d’affaires de 138 millions euros dont 80 % à l’international. Ses produits sont ainsi vendus dans 40 pays différents dont le Japon, la Chine, les États-Unis, l’Allemagne et la Suisse. Les gyromètres à fibre optique développés par IXblue équipent notamment le gyrocompas de secours des sous-marins nucléaires d’attaque français et sont installés à bord de plusieurs séries de satellites scientifiques et de télécommunications. « Dans l’espace depuis 2009, nous travaillons sur la miniaturisation et sur la communication entre satellites par laser. Nous avons déjà équipé de nombreux satellites avec nos centrales inertielles, pour lesquelles nous sommes leader mondial, pour des clients comme la NASA. Ce secteur en forte croissance représente aujourd’hui une part non négligeable de notre activité ».
Aidée par la diversité de ses marchés, l’entreprise ne semble pas impactée par les crises et présente un chiffre d’affaires en progression continue de 15 % par an au cours des dix dernières années. Le site bisontin compte 80 salariés. Un effectif qui a augmenté de 38 % entre 2021 et 2022.
Avec le rachat IXblue par le groupe Gorgé (230 millions de chiffre d’affaires en 2020), actif dans la robotique civile et militaire, la sécurité incendie et nucléaire et l’impression 3D, qui conduit à la fusion du groupe Eca et d’IXblue, l’entreprise bisontine s’inscrit dans une offre encore plus globale regroupée en quatre pôles : navigation, photonique, maritime et autonomie (drones marins de surface notamment) et aérospatial.
Le nouvel ensemble Exail et ses 23 sites (21 en France et deux en Belgique) a l’ambition de réaliser un chiffre d’affaires supérieur à 500 millions d’euros et un résultat opérationnel avant dotations nettes aux amortissements et provisions en croissance de 25 % à horizon 2025-2026. L’intégration des anciennes sociétés devrait être facilitée par la forte proximité géographique des sites français, présents sur les mêmes bassins d’emplois : Île-de-France, sud de la France (Toulon, La Ciotat) et Bretagne (Brest et Lannion). Quant au site bisontin : « Nous sommes de nouveau à l’étroit, constate Henri Porte. Nous allons devoir nous agrandir, sans doute au-delà de nos locaux actuels, peut-être en nous déportant vers des solutions locatives ».