Montres Pinet Montrivel, jeune marque en devenir
Artisanat. En 2020, Marc Gauthier faisait le pari un peu fou de lancer, via le crowdfunding sa propre marque de montres automatiques françaises. La première collection est une réussite, il récidive cet été avec une collection femme, mais le succès est cette fois plus mitigé.
Nous avions rencontré Marc Gauthier à l’été 2020, il lançait alors, à Maîche dans le Doubs, une toute nouvelle marque de montres 100% mécaniques et automatiques, baptisée Pinet Montrivel, du nom d’une petite montagne à côté de la ferme de ses grands-parents. Marc fait partie de ces jeunes talents qui à coup d’audace et d’envie sincère font petit à petit renaître de ses cendres l’horlogerie française. À contre-courant des tendances actuelles de la montre connectée, sa marque affiche haut ses racines locales avec l’élégance, l’humour et la simplicité du montagnard. Après des études au lycée horloger de Morteau, Marc Gauthier travaille dix ans en Suisse, d’abord comme dessinateur technique puis chef de projet au sein de la prestigieuse marque TAG Heuer. Au fil du temps, ce passionné de l’horlogerie et du monde de l’entreprise - qui lisait déjà Capital au lycée, fasciné par les success story des plus grandes marques françaises ainsi narrées sur papier glacé - commence à nourrir une idée un peu folle : créer sa marque de montre Française.
« Herbelin, Pequignet... Mon enfance a été bercée par l’actualité de ces grands noms, par l’évolution de l’horlogerie française, de ses heures de gloire au déclin, où seules subsistent aujourd’hui quelques grandes marques. J’ai suivi le boom helvète puis son récent essoufflement, la question des travailleurs frontaliers, la sous-traitance locale qui répond aux commandes suisses et l’arrivée de nouvelles marques franc-comtoises... Il y a huit ans, je me suis interrogé sur tout cela avec en germe ce désir de libérer ma créativité dans un projet personnel. Fort de mes dix ans d’expérience dans le métier, je commençais à appréhender de mieux en mieux l’écosystème horloger. Il était temps pour moi de me lancer ». En 2018, il fait le grand saut. Pour le design, il s’adjoint le talent de Cyrille Bernard, qui comme son père avant lui, est designer pour les plus grands noms de l’horlogerie française et suisse : Pequignet, Ambre, Yonger et Bresson.
Un design intemporel
Les montres sont ensuite assemblées à Morteau, chez Michel Épenoy, un partenaire historique de la ville actif depuis plus de 50 ans dans l’assemblage et le SAV de nombreuses marques prestigieuses. Afin de lancer sa production et de garantir des prix accessibles, Marc Gauthier a lancé une campagne de pré-commandes sur Ulule (une plateforme française en accord avec les valeurs défendues par la jeune marque), pour créer sa première collection, baptisée Levento. L’objectif affiché de 100 montres minimum est largement dépassé avec 202 pré-commandes enregistrées le 13 juillet 2020, date de fin du crowdfunding et ce malgré la crise sanitaire. De style néo-contemporain, les montres Pinet Montrivel offre un design intemporel, un rien vintage, qui rend hommage aux belles mécaniques d’antan. Le tout réveillé d’une touche de vert fluo photoluminescent. Un effet pep’s également symbole de la nature et des sapins jurassiens, que l’on retrouve sur les aiguilles et les index bâton des heures.
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Ces derniers rappelant les tavaillons : ces petits rectangles de bois qui couvrent les façades exposées au vent des fermes traditionnelles comtoises. Côté caractéristiques techniques, les montres intègrent un bracelet en caoutchouc rubber de haute qualité. Outre son aspect racé et dynamique, le matériau procure un confort inégalé. Le boîtier est en acier inoxydable brossé et poli. Il est coiffé d’un verre saphir inrayable, traité anti-reflets. Le tout est équipé d’un fond transparent dévoilant les rouages du mouvement automatique. Ce dernier est un calibre Miyota japonais. Sur la provenance étrangère de certaine de ses pièces, Marc Gauthier, qui s’est lancé dans cette aventure sur ses seules économies, joue la carte de la transparence : « Nous n’utilisons pas le label Made in France, alors que nous le pourrions, car nos montres sont imaginées, conçues, assemblées et réglées en France. Nombre de composants viennent de divers partenaires du monde entier (Japon, Chine, Suisse). Ils ont été sélectionnés pour leurs qualités qui répondent aux standards horlogers français et suisses. Cette collaboration me permet également de pouvoir offrir une belle mécanique à prix accessible (moins de 500 euros), ce qui était pour moi une priorité ».
Savoir rebondir
Fort de ce premier succès, Marc Gauthier a souhaité lancer cette année une seconde collection à destination des femmes. Baptisée Altezza, qui signifie Hauteur en Italien, celle-ci a été de nouveau proposée à la vente sur un site de crowdfunding. « J’ai cette fois choisie la plateforme KickStarter pour m’ouvrir à l’international », précise le trentenaire. Malheureusement l’alchimie qui a fait la réussite de la première collection ne sera pas au rendez-vous. « Je n’ai réalisé que 60 % de mon objectif de lever les 45.000 euros nécessaires à la production de cette nouvelle série. Si j’avais atteint les 80 %, j’aurais pu mettre au bout, mais là, c’est vraiment trop juste », confie le jeune entrepreneur qui tente d’analyser les points de blocage. « Ma nouvelle proposition n’était peut-être pas assez différenciante. Je suis parti de mon premier modèle pour l’adapter aux aspirations féminines : boîtier plus fin, lignes plus élancées, mais je n’ai peut-être pas fait assez de changements. De plus le marché de l’horlogerie en France reste difficile, surtout dans ma gamme de prix de 400 à 500 euros. Et c’est d’autant plus vrai avec la conquête des montres connectées ».
Toutefois, malgré ce revers, Marc Gauthier, qui vit encore des ventes de sa première collection toujours disponible à la commande, n’entend pas baisser les bras : « Je vais me donner du temps pour voir quel produit plus attractif je pourrais proposer. Travailler sur la recherche de partenaires financiers, d’investisseurs... Je pense également que je dois aller plus loin dans la notion d’engagement. Avec ma première collection, recyclable à 80% de son poids, j’ai mis en place une démarche éco-responsable de gestion des déchets horlogers à travers un partenariat avec EcoTempo, qui - par ailleurs - via la plateforme Agir Durable offre un tremplin vers l’emploi à des personnes en grande difficulté sociale ou professionnelle. Dans le même ordre d’idée, je souhaite aller vers davantage de Made in France. Il y a ce projet initié par le suisse Soprod du groupe Festina de relancer la production du mouvement “France Ébauche” à Maîche, son berceau historique. Si ce projet voit le jour, s’y accrocher serait pour moi un vrai plus... ».