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Humbert-Droz et La Joux Perret vont encore plus loin dans leur partenariat franco-suisse

Horlogerie. En décembre 2020, la maison bisontine Humbert-Droz et la manufacture de mouvements suisses La Joux Perret annonçaient une collaboration franco-suisse inédite : assembler de A à Z un mouvement suisse, le “G100”, dans la capitale horlogère française, Besançon. Mardi 7 juin, le duo convoquait une nouvelle fois la presse pour dresser un premier bilan.

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Pour annoncer le futur du partenariat historique entre La Joux-Perret et Humbert-Droz lancé en décembre 2020, Jean (1er à gauche), Frédéric (2e à gauche), Julien (à droite) Humbert-Droz et Jean-Claude Eggen directeur de la manufacture suisse La Joux-Perret accompagné de son ingénieur conseil Jean-Charles Maillard ont choisi le décor de la Pizzeria bisontine Piano. (Crédit : JDP)

La genèse de cette amitié franco-suisse est double. Il y a d’abord l’inscription des savoir-faire en mécanique horlogère et mécanique d’art de l’arc jurassien franco-suisse sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco. Une reconnaissance catalyseur du rêve de Jean-Claude Eggen, directeur de la manufacture indépendante de mouvements mécaniques La Joux-Perret fondée en 1990 et basée à La Chaux-de-Fonds. Un désir de renvoi d’ascenseur, celui de remettre, en quelque sorte, les pendules à l’heure, de redonner à la France ce qu’elle a laissé à la Suisse au cours de son histoire  : le savoir-faire, la connaissance et la passion horlogère.

Un partenariat historique

En quête du parfait candidat français pour mener à bien cette nouvelle aventure, Jean-Claude Eggen fait la rencontre de la famille Humbert-Droz. Cette lignée d’horlogers, arrivée à Besançon en 1956, cultive depuis quatre générations des valeurs de transmission familiale, de savoir-faire horloger, de passion pour un métier élevé au rang d’art et un goût certain pour les chalenges. Propriétaires de l’atelier de réparation et d’assemblage de montres haut de gamme Réparalux, Jean, Frédéric et Julien Humbert-Droz, respectivement père, fils et petit-fils ont ainsi lancé en juin 2016 une première série de montres sous leur propre marque Humbert-Droz (HD), pour fêter les 60 ans d’histoire de leur atelier bisontin et ainsi rendre hommage à Marcel, l’arrière-grand-père fondateur de Réparalux et originaire de Suisse. Ensemble, Suisses et Bisontins vont contractualiser la création d’un nouveau mouvement le G100 dont l’assemblage sera réalisé de A à Z au sein des ateliers Réparalux, y compris le collage du spiral, organe principal d’un mouvement mécanique. Ce mouvement mécanique et automatique dont les pièces sont fabriquées en Suisse a une réserve de marche exceptionnelle de 68 heures, soit 80 % plus haute que ce qui est habituellement proposé par les plus grandes marques suisses. L’objectif, pour la première année, est fixé à 3.000 mouvements. Ces derniers devront à termes équiper les montres Humbert-Droz, ainsi que celles de toutes les marques françaises désireuses de bénéficier de cet inédit mouvement bi-national.


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La première d’entre-elles à se jeter dans le grand bain fut « l’un des fidèles clients de Réparalux : la société March LA.B », raconte Julien Humbert-Droz. Elle vient de sortir 100 exemplaires d’une montre en bronze équipée du G100, créant ainsi la confiance pour que d’autres suivent le mouvement. « À ce jour, nous avons produit 500 G100, ce qui nous a conforté dans notre capacité à assembler ce mouvement aussi bien en termes de qualité que de cadence. Les 3.000 exemplaires devraient voir le jour d’ici à la fin de l’année, comme prévu  ». Fort de ce constat positif et du soutien de financier de Bpifrance pour l’achat de nouvelles machines, le duo transfrontalier a décidé de pousser encore plus loin le curseur, en lançant trois nouveaux modèles trois aiguilles sur la base du G100 : une montre à cœur ouvert (balancier visible à 6 heures) : le G1A0, un GMT (deuxième fuseau horaire) : le G110 et une montre avec une petite seconde à 6 heures : le G120. « Au-delà de notre collaboration, il s’agissait de répondre à la demande des clients potentiels qui attendait de nous de telles complications horlogères », explique Julien Humbert-Droz.

« Au départ, nous devions valider la capacité de nos partenaires à être conforme à nos standards de qualité, précise Jean-Claude Eggen. Sur ce point, je suis pleinement satisfait, ce qui veut dire que maintenant nous pouvons augmenter les volumes et diversifier nos propositions pour offrir à nos clients une collection complète ».

Réveiller le savoir-faire bisontin endormi

Dans les tiroirs, au rayon ambition, le tandem entend produire le premier chronographe franco-suisse avec une réserve de marche de 60 heures. « Baptisé L100, ce chronographe représente un vrai saut pour nous, avec ses 250 pièces au lieu des 120 du G100. Ce mouvement pourra être décliné en plusieurs modèle avec phase de lune, jour et date, GMT à plusieurs faisceaux horaires... », précise Julien Humbert-Droz avant d’annoncer le lancement d’une petite série de tourbillons d’ici à la fin de l’année prochaine. Également appelé « cage tournante », cette complication horlogère, ajoutée au mécanisme d’échappement est destinée à améliorer la précision des montres mécaniques en contrebalançant les perturbations liées à la gravité terrestre. « Le tourbillon, c’est le graal de tous les horlogers, affirme Jean-Claude Eggen. Pouvoir l’assembler en France, c’est un juste retour des choses puisque l’on doit son invention, en 1801, à Abraham-Louis Breguet horloger et physicien français d’origine neuchâteloise ».

La prochaine étape pour ces pionniers du réveil du savoir-faire bisontin, sera de « trouver les bons partenaires en local », car l’autre objectif de cette association de part et d’autres des montagnes du Jura est bien de recréer une dynamique horlogère à Besançon : « c’est un accord pour Besançon, pour la région, pour le développement économique et l’emploi », argue Julien Humbert-Droz, dont l’entreprise travaille déjà avec la société bisontine Roland Bailly, spécialiste reconnu dans le domaine des microtechniques et de l’automatisation. « Ils sont en plein développement et en cours d’acquisition de machines. Ils sont déjà en mesure de réaliser certaines décorations, de fabriquer des pièces comme les masses... D’ici à la fin de l’année, ils devraient être en capacité de produire des cadrans, ce qui n’est plus possible actuellement en Franche-Comté », s’enthousiasme Julien Humbert-Droz.


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Un projet est également en cours avec l’horloger bisontin Philippe Lebru et une start-up de la technopole des microtechniques Temis, pour la réalisation d’un boîtier intégrant le G100. «  L’idée, s’est d’avancer sans précipitation, d’avoir une planification claire de cette évolution en gardant comme fil rouge celui de la qualité. Nous sommes en train de créer quelque chose de nouveau, de bouger les lignes. Le lancement de notre G100 a ainsi fait réagir un géant suisse, qui a revu la réserve de marche de ses montres à la hausse pour s’aligner sur notre modèle », se félicite Jean-Claude Eggen.

Par ailleurs, le duo travaille toujours sur un label spécifique pour cette initiative hors-normes. « Juridiquement, nous pourrions apposer un “Made in France”, mais pour nous, le niveau d’exigence de ce label n’est pas assez haut pour créer quelque chose de bien. L’objectif est de travailler sur un label franco-suisse. Nous sommes en discussion avec la région BFC et l’arc jurassien franco-suisse... pourquoi pas également regarder du côté du poinçon vipère délivré par l’observatoire de Besançon ? », évoquent les deux parties.