Hommes et chiffres

Christophe Espanel : mise en bière écologique

Recyclage. Avec AlterMatÉco et sa marque Althanat, Christophe Espanel entend utiliser les déchets de fabrication de la bière pour réaliser des urnes funéraires biodégradables.

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Christophe Espanel
Christophe Espanel (Crédit : JDP)

Christophe Espanel est un ingénieur diplômé, en 1990, de Supmicrotech-Ensemm à Besançon. Il a d’abord travaillé sur la conception de moteur diesel à Mulhouse avant d’intégrer le bureau d’étude d’Arc-les-Gray de l’entreprise John Deere, spécialisée dans la fabrication d’engin agricole comme les tracteurs et moissonneuses-batteuses. À 57 ans, en mars 2020, il quitte une place plutôt confortable pour commencer sa propre aventure entrepreneuriale en lien avec les enjeux environnementaux.

Il faut dire, qu’en 2017 il s’impliquait déjà dans le milieu associatif en créant élément Techs, une association écologique qui entendait notamment trouver des alternatives à la prolifération des plastiques. En 2019, les statuts déposés, il répond à un appel à projet de l’Ademe sur la valorisation des déchets agroalimentaires. Son idée d’alors, baptisée Végépots, visait à réaliser des pots horticoles biodégradables à partir de sous-produits ou co-produits alimentaires.

« Pour différentes raisons, ce pari s’est avéré économiquement non viable  », avoue Christophe Espanel. Toutefois, c’est de cette première expérience infructueuse que naîtra AlterMatÉco, pour Alternatives matériaux écologique. «  L’objectif de la société est de trouver des alternatives aux usages et modes de production du plastique en substituant intégralement aux matériaux synthétiques des matières organiques. Nous développons une activité de recherche qui porte sur la mise au point de recettes adaptées aux machines de plasturgie et à l’amélioration des caractéristiques mécaniques et environnementales tout en restant 100 % biodégradables en compost pour les particuliers ».

Nos souvenirs comme seule empreinte

Pour bien se préparer au métier d’entrepreneur, Christophe Espanel intègre alors l’incubateur Déca BFC. « Du plan de financement au marketing, il propose un programme d’accompagnement complet et surtout un œil extérieur et critique sur votre projet. C’est également une structure bien implantée qui nous fait bénéficier d’un réseau privilégié. Enfin, ce soutien est un vrai plus sur la question du montage financier, de l’obtention des aides, subventions et autres prêts bancaires », développe l’entrepreneur. Pendant son incubation, il élabore un projet d’urne funéraire biodégradable réalisée à partir des déchets de brasserie. « Ce type d’urnes n’est quasiment pas utilisée en France alors qu’en Allemagne, il y a un vrai marché, confie Christophe Espanel. Dans ce pays, il existe 200 forêts funéraires où l’on enterre autour de chaque arbre entre huit à 12 urnes biodégradables. Celle-ci se compose d’une capsule scellée et gravée d’un identifiant - elle contient les cendres - et d’un contenant décoratif. C’est sur dernier que nous avons travaillé ».


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Pour ses urnes, dessinées par Johann Paquelier, designer associé de Christophe Espanel, AlterMatÉco utilise la drêche, un résidu d’orge cuite qui reste dans la cuve après la cuisson de la bière et le soutirage du moût. Généralement utilisé en alimentation animale, elle trouve ici une seconde vie des plus originale. Séchée, puis transformée en granulé ce matériaux peut prendre la forme d’une urne soit par thermocompression, soit par injection. « Notre ambition est d’être à 100 % végétale, ce qui a éliminé l’injection comme solution industrielle : celle-ci nécessitait une adaptation des machines beaucoup trop importante et coûteuse pour que cela soit possible. Notre process de fabrication utilise des moyens récents qui font appel à des moules spécialement conçus pour nos urnes, ce qui nous permet de livrer des contenants cinéraires 100 % organiques, biodégradables en terre, compatibles home compost, sans colle ou résine de liaison et pouvant être colorisés grâce à leur finition à l’huile de lin », affirme le créateur qui a récemment présenté son innovation sur un salon allemand et a su attirer l’attention de la société qui gère 80 % des forêts funéraires germaniques.

De nouveaux locaux

AlterMatÉco qui a quitté Déca BFC le 31 mai, devrait s’installer dans ses propres locaux en septembre ou octobre. Outre la commercialisation de ses urnes vertes, pour laquelle elle est en recherche d’un profil commercial germanophone, l’entreprise travaille sur un bio-polymère biodégradable en terre sous deux à cinq ans, compatible avec l’injection industrielle, afin de réaliser des capsules scellées écologiques. Elle entend également proposer des services de conseil et d’assistance en direction des entreprises et des collectivités ayant des problématiques de gestion de déchets agro-alimentaires ou végétaux.

« La nature de notre activité nous incline à nous inscrire dans l’économie sociale et solidaire, à faire travailler les acteurs locaux et à nous impliquer sur notre territoire  », confie Christophe Espanel qui a notamment décidé de participer au comité de sélection de Deca BFC. Un juste renvoi d’ascenseur pour cette structure qui lui a notamment permis de lever près de 70 % de ses investissements (environ 58.000 euros composé d’un prêt Bpifrance, du fonds régional d’innovation et d’un Pass’export...).