Hydrogène : plein gaz sur les financements
Dossier hydrogène. La stratégie hydrogène de l’UE, lancée en 2020, vise à faire de l’Europe un leader mondial. La région Bourgogne Franche-Comté s’engage avec une feuille de route de 100 millions d’euros sur dix ans.
En juillet 2020, la Commission européenne lançait sa stratégie hydrogène en même temps que l’alliance européenne de l’hydrogène propre, qui rassemble tous les acteurs de la chaîne de valeur de l’hydrogène et qui permet à la production européenne d’être compétitive à l’échelle mondiale.
L’Europe a pour objectif d’atteindre dix millions de tonnes de production annuelle d’hydrogène sur le sol européen et dix millions de tonnes d’importation d’ici à 2030. La majeure partie de cet hydrogène devrait être considérée comme « verte », soit produite avec de l’électricité d’origine renouvelable. En France, l’État s’est fixé, dès 2018 comme objectif de devenir le leader européen de l’hydrogène vert. Il ambitionne une production d’1 Mt/an d’hydrogène bas-carbone en 2030.
Le plan France 2030, dont neuf milliards d’euros sont consacrés à l’hydrogène, se déploie sur trois catégories d’écosystèmes : usages industriels, usages de mobilité et extension des écosystèmes existants. La région Bourgogne Franche-Comté vise à devenir un Territoire à énergie positive et neutre en carbone à horizon 2050 en misant notamment sur l’hydrogène. Elle a ainsi élaboré une feuille de route dotée de 100 millions d’euros sur dix ans.
« Il existe un véritable consensus entre les collectivités, la région, l’AER, l’État, l’Ademe, BPI, le pôle véhicule du futur, les entreprises, le monde de la formation et de la recherche qui vise à offrir un vrai soutien aux porteurs de projets et aux entreprises afin de redynamiser l’activité économique et l’emploi de nos territoires grâce aux nouveaux marchés liés à l’hydrogène. » (Nathalie Loch, Chef de projet Hydrogène à l’AER BFC et Déléguée Régionale de France Hydrogène.)
« Il est donc nécessaire pour cela de décarboner tous les pans de notre société, et particulièrement les secteurs fortement dépendants des énergies fossiles, comme l’industrie et le transport. Aussi, la guerre en Ukraine et la crise énergétique qui en a découlé, nous ont poussées à nous détourner des hydrocarbures fossiles, notamment russes, beaucoup plus rapidement que prévu. À cet égard, l’hydrogène a un rôle essentiel à jouer », défend Christophe Grudler, député européen et conseiller municipal de Belfort. Le développement de la filière hydrogène nécessite de forts investissements tout au long de la chaîne de valeur (approvisionnement, production et distribution) notamment en raison des coûts de production de l’hydrogène vert.
« Pour aider au démarrage du marché de l’hydrogène propre (renouvelable et bas-carbone) dans des conditions compétitives, j’ai poussé à la création d’une banque de l’hydrogène, dotée pour l’instant de quatre milliards d’euros, afin de soutenir financièrement la production au kilo d’hydrogène décarboné via une subvention de 3 à 4 euros par kilo. L’objectif étant de se rapprocher des coûts actuels de l’hydrogène gris issu des énergies fossiles (autour d’un euro le kilo). La mesure est pour l’instant limitée à l’hydrogène renouvelable, mais nous continuons à faire pression pour que l’hydrogène Bas-carbone produite par l’électricité nucléaire soit pris en compte » ajoute Christophe Grudler. Autre élément clé de la stratégie hydrogène : les projets européens d’intérêt commun (PIIEC).
Cet instrument autorise les États membres à financer des initiatives au-delà des limites habituellement fixées par la réglementation européenne afin de faciliter des investissements jugés essentiels pour la compétitivité de l’Europe. Les projets PIIEC doivent concerner a minima trois États pour être éligibles. Les résultats sont au rendez-vous : plus de 250 projets dans 20 États membres et 50 milliards d’euros d’investissements privés ont été débloqués. En région, ce sont déjà 700 millions d’euros fléchés sur le Nord Franche-Comté dont 120 millions d’euros pour Gen-Hy, 140 millions d’euros pour Alstom, 230 millions d’euros pour Forvia et 120 millions d’euros pour McPhy, avec un premier versement de 28,5 millions d’euros réalisé fin 2022 via BpiFrance.
« Nous venons également d’adopter au Parlement européen le règlement pour une Industrie zéro émission nette (NZIA). Cette loi décisive accélérera la production européenne de technologies propres, dont celles relatives aux infrastructures de transport de l’hydrogène et celles liées aux électrolyseurs et aux piles à combustible. Les projets visant à promouvoir ces technologies seront dès lors considérés comme stratégiques et pourront alors bénéficier de procédures administratives simplifiées et d’un accès privilégié aux investissements ».
Le texte introduit également un embryon de préférence européenne. « L’idée est d’être moins naïfs dans nos marchés publics, et d’écarter les offres non-européennes qui poseraient un risque de dépendance trop important, ou qui ne respecteraient pas nos standards de cybersécurité. C’est un pas de plus pour notre souveraineté européenne. À ce titre, je suis convaincu que l’échelle européenne est la plus à même de bâtir une industrie de l’hydrogène capable de relever le défi dans la transition énergétique. Et c’est à travers la législation et les aides financières européennes que nos territoires connaîtront un nouveau dynamisme de production. Je crois fermement que nous sommes sur la bonne voie, nous sommes en train de faire émerger des champions des énergies renouvelables, de l’hydrogène, du biogaz, et de toutes les technologies de décarbonation ».
Hynamics : la solution hydrogène clé en main
Créée en 2019, par Christelle Rouillé, la filiale 100 EDF Hynamics propose aux acteurs de l’industrie et de la mobilité une offre clé en main de production, de stockage et de distribution d’hydrogène bas carbone et renouvelable, en assurant l’investissement, l’exploitation et la maintenance des ouvrages de production et de distribution d’hydrogène. « Nous intervenons sur toute la chaîne de valeur de l’hydrogène en accompagnant les industriels et les territoires dans leurs projets de décarbonation. Producteur d’électrolyseurs bas carbone et renouvelable, nous investissons également dans les actifs de production et de distribution d’hydrogène à travers des sociétés de projet dont le capital peut être ouvert à des partenaires. Cette prise de participation et de l’ordre de 20 à 30 %, cela nous permet de ne pas porter seuls l’entièreté du risque de projets allant d’une dizaine de millions jusqu’à un milliard d’euros d’investissement. Enfin, nous avons un rôle de constructeur, d‘exploitant et gestionnaire de la maintenance des installations ».
Le Pôle Véhicule du Futur acteur financier de la filière
Le Club Hydrogène Bourgogne Franche-Comté a été lancé en mars 2020, dans la continuité de la feuille de route votée par la région en 2019. Porté par le Pôle Véhicule du Futur, ce Club est une partie du programme DEFHY pour l’animation de la filière Hydrogène en Bourgogne Franche-Comté, co-financé par l’ADEME et la région Bourgogne Franche-Comté. Ce programme offre tout un dispositif d’aides aux entreprises pour lesquelles le Pôle Véhicule du Futur est l’intermédiaire.
Le Club H2 BFC a pour but de contribuer à la déclinaison opérationnelle de la feuille de route régionale et d’accélérer la dynamique hydrogène en rassemblant les acteurs présents sur l’ensemble de la chaîne de valeur : de la production à tous les usages.
La Banque des Territoires engagée sur la filière émergeante hydrogène
Soutenir les nouvelles filières, prendre des risques c’est l’une des missions de la Banque des Territoires, selon Mathieu Aufauvre, directeur régional BFC de la Banque des Territoires. « Nous sommes en capacité de structurer les filières émergeantes comme celle de l’hydrogène. Nos liens étroits avec la Commission européenne nous permettent d’offrir aux entreprises et collectivités du territoire un meilleur accès aux financements. Nous sommes également opérateur du programme France 2030 où nous intervenons sur la réalisation des infrastructures en complémentarité de BpiFrance qui elle agit sur le volet innovation. Nous intervenons aussi sur des financements en ingénierie et sur un apport de conseil notamment dans le cadre de l’accélération de la transformation décarbonée de la filière automobile : aide à la mise sur le marché de nouvelles technologies, mise en réseau, soutien à l’industrialisation... Au total, sur la filière hydrogène nous avons apporté 37,5 millions d’euros de financements propres. Ce qui associés aux 12,5 millions d’euros d’aides européennes débloquées porte à 50 millions d’euros le total apporté à l’écosystème hydrogène régional ».
Dans le détail, sur la construction d’une station hydrogène et la mise en circulation de bus à hydrogène sur le territoire de Belfort à Danjoutin, les financements se répartissent de la façon suivante :
- Demeter via le fonds de modernisation écologique des transports (30,4%).
- La Banque des Territoires investissant sur ses fonds propres (23,8%) et pour le compte de l’État dans le cadre du programme “Territoires d’innovation” de France 2030 (23,8%).
- L’actionnaire industriel Hynamics (20%).
- La société d’économie mixte Tandem (2%). Des subventions ont également été accordées par l’Ademe à hauteur de 2,7 millions d’euros, la région BFC à hauteur de 404.000 euros. Afin de soutenir le verdissement des transports dans le Grand Belfort, des aides supplémentaires ont été accordées pour les sept bus à hydrogène.
La Commission Européenne a attribué, au titre du CEF - Transport - Blending Facility, une subvention de 522.777 euros. De même, l’État via le programme France 2030 « Territoires d’innovation » a accordé une subvention de 542.000 euros et la Banque des Territoires a mobilisé un prêt de 1,5 millions d’euros, à taux fixe sur 15 ans.
Sur la création de stations à hydrogène vert pour approvisionner des véhicules publics à Dijon, le projet est porté par la SAS Dijon Métropole Smart EnergHy. Le capital est détenu par :
- Engie Cofely H2 France SAS (40,55%) ;
- Inthy (22,5%) ;
- Dijon Métropole (24,23%) ;
- Ademe Investissement (10%).
La Banque des Territoires apporte un financement mezzanine de sept millions d’euros à Dijon Metropole Smart EnergHy, et la Commission européenne a attribué 6,99 millions d’euros de subventions. Concernant les 27 premiers bus à hydrogène la Commission européenne a attribué 2.025.000 euros de subvention issues de l’appel à projet CEF - Transport - Blending Facility.
La Banque des Territoires accompagne Dijon Métropole avec un Mobi Prêt de cinq millions d’euros sur une durée de 15 ans à taux fixe sur ressource de la Banque européenne d’investissement pour l’acquisition de véhicules.
Sur le déménagement de Forvia sur le site Technoland du Pays de Montbéliard et sa mutation des systèmes d’échappement classiques vers une production de réservoirs à hydrogène, l’investissement immobilier de 32 millions d’euros est porté par la SAS Foncière Hydrogène du Pays de Montbéliard dans laquelle la Banque des Territoires a investi à hauteur de 1,4 million, soit 29 %. La Banque des Territoires est également intervenue avec un financement court terme de 7,6 millions d’euros : Batifranc (29 %), SEM PMIE (29 %) et Faurecia Systèmes d’échappement (13 %) sont actionnaires de la foncière aux côtés de la Banque des Territoires. Bpifrance et la Banque Postale, ont également été mobilisés en financement long terme pour 5,7 millions d’euros chacun.